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- Du Brésil aux Îles Falkland
Lundi 6 Novembre Position : 47°30’9 S et 56°15’1 W Bonjour, Voici dix jours que nous avons laissé derrière nous les côtes verdoyantes du Brésil et nous ne sommes plus qu’à deux ou trois journées de mer de Port Stanley, aux îles Falkland. N’ayant à bord que des moyens rudimentaires de prendre la météo, on ne sait jamais très bien à quoi s’attendre au-delà des premiers jours, qui en théorie dans le cas présent devaient nous permettre de bien avancer. Je dis en théorie, car la réalité se révèle bien souvent en mer fort différente de ce qui a été prévu, et ce fut inévitablement le cas ! Nous quittons donc Florianópolis au portant, après avoir attendu quelques nuits au mouillage que le vent tourne au Nord. C’est presque une première pour nous, qui semblons attirer les vents contraires depuis le début de notre périple. D’ailleurs, c’est évidemment trop beau pour durer. A peine 48h après notre départ, le vent revient au secteur Sud, et nous alternons de nouveau des périodes de navigation au près, et au moteur, en fonction de la force du vent. Le vent oscille en force et en direction, souvent plutôt dans le nez, mais parfois tout de même favorable, et bonnant mallant, nous grapillons les milles vers notre but. Pour trois jours « confortables », on a en général une journée un peu plus sportive où les conditions de vie à bord deviennent nettement moins agréables. Pour la région, disons qu’on s’en sort plutôt très bien. On a réussi à donner 2 bains à Louis, c’est une bonne échelle de confort en mer…puisque cela suppose que l’eau puisse rester dans la baignoire (enfin sans compter les inévitables éclaboussures sans quoi le bain ne serait pas si amusant pour bébé) ! Le 31 octobre marque le retour en force des albatros. Nous sommes soudainement entourés de nombreux oiseaux de mer, la majorité étant des albatros à sourcil noirs, mais on observe aussi quelques grands albatros (hurleurs et royaux), des pétrels à menton blancs, des pétrels géants...et même quelques petits damiers du cap qui sont parmi mes préférés. Bref, tous les oiseaux des latitudes australes que l’on connaît bien et qui nous rappellent que la maison n’est plus très loin. La température a dramatiquement chuté dehors, et celle de la mer aussi. Notre thermomètre affiche une eau à 8,9 degrés ! Le froid se ressent un peu dans le bateau aussi, mais notre travail d’isolation semble avoir porté ses fruits tout de même, car nous n’avons pas besoin d’allumer le chauffage. Louis a entamé son quinzième mois de vie à la porte des quarantièmes rugissants. Il s’éveille au monde un peu plus chaque jour, s’appropriant l’espace du bord à sa façon, inventant milles jeux nouveaux jour après jour et devenant de plus en plus indépendant. On ne sort quasiment plus sur le pont lui et moi, par flemme d’enfiler des couches de vêtements, ou par peur d’être mouillés, souvent un peu des deux. En revanche, il peut désormais observer à loisir les oiseaux planant le long du bord depuis son petit perchoir sur la table à cartes, et c’est une activité à laquelle il semble prendre beaucoup de plaisir. J’aime rester près de lui et lui expliquer quel oiseau nous regardons. Il dit un petit mot en les montrant du doigt qui ressemble à « batros ». C’est très clairement une interprétation de ma part, mais du coup même nous nous commençons à dire « oh un batros » lorsque les albatros viennent faire un virage sur l’aile à proximité du bateau ! Aujourd’hui, Lundi 6 Novembre, nous traversons le quarante septième degré Sud. C’est à cette latitude qu’il y a bientôt cinq ans, Arnaud, mon ex-mari, et Sophie, une très bonne amie, furent fauchés par une vague et perdus en mer alors qu’ils revenaient de Géorgie du Sud à bord du voilier Paradise. Leur absence nous est toujours difficile, mais le temps a permis peu à peu d’accepter cette fortune de mer et de se concentrer sur les beaux souvenirs ensemble. J’avais pour mission de jeter à la mer des bouteilles remplies de messages de proches et d’amis que les enfants d’Arnaud avaient rassemblés peu après sa disparition. La mer était calme, le soleil brillait, et le vent était quasiment nul. Un petit pétrel tempête a croisé notre sillage juste avant que je ne jette à la mer les derniers mots confiés à ce grand marin. Ce soir le vent remonte, le soleil en se couchant a teint de pourpre les nuages peignant un magnifique tableau comme souvent sous ces latitudes. Demain matin sans doute, les albatros reviendront planer autour de nous, et alors je prendrais le temps de bien les regarder encore une fois, en pensant à tous nos amis disparus et aux beaux voyages qu’ils font maintenant sur les ailes de ces majestueux oiseaux. Alors que la traversée touche à sa fin, une sensation d’ambivalence me tiraille entre la joie d’arriver bientôt chez nous, de retrouver notre maison, notre île, et un peu d’espace, et d’un autre côté la nostalgie du voyage qui se termine, et d’une page qui va inéluctablement se tourner. Voici presque trois mois que nous avons quitté la France, largué les amarres et vécu dans notre petite bulle tous les trois, à la fois libres comme l’air et contraints par les éléments, avec une infinité de bleu tout autour bien qu’étant confinés à bord de notre petit voilier ; mais par-dessus tout, merveilleusement proches, unis et dans notre propre espace-temps. Trois mois qui sont passés tellement vite, et au cours desquels se sont passés tant de choses, sont venues se greffer tant d’émotions. Trois mois qui resteront gravés dans nos mémoires comme un merveilleux voyage initiatique pour notre petit bonhomme dont la personnalité s’est affirmée un peu plus chaque jour, et dont les adorables sourires nous ont fait goûter un peu plus chaque instant. C’était la première fois que je faisais une grande navigation à mon rythme, c’est-à-dire sans clients à bord, sans pression d’arriver à temps pour attraper un avion ou autre. Première fois aussi que je n’ai presque pas mis les pieds sur le pont de tout le voyage, tant j’étais prise à d’autres tâches, principalement celle de m’occuper de mon fils. Cela me fait même sourire de penser que naturellement, nous avons adopté un fonctionnement un peu macho, Dion s’occupant de manœuvrer le bateau, et moi de faire à manger et m’occuper du petit. On m’aurait dit ça il y a dix ans, j’aurais bondi ! Et pourtant, je n’ai pas du tout souffert de la situation, j’avais tant à faire que cela m’allait bien de ne pas avoir à me préoccuper du bateau. J’étais là, prête à aider si besoin évidemment, mais dans la pratique, Dion ne m’a quasiment jamais sollicitée. Je sais que j’y reviendrais, et que je serais sans doute très heureuse de retrouver les winches, les réglages de voiles, les quarts de nuits et les embruns qui vous giflent le visage. Mais pour l’instant ce n’est pas le moment. Il y a un temps pour tout. Mon tout petit a encore beaucoup de besoin de moi, et je sais que ça ne durera pas. Aussi, je profite d’avoir le luxe de prendre simplement le temps d’être là pour lui, avec lui. Alors je savoure les derniers instants de ce beau voyage qui se termine, en essayant de ne pas trop penser à la suite. Je reste dans ma bulle, notre bulle. Louis dort paisiblement dans notre cabine, bercé par le son de l’eau qui glisse contre la coque de « Beaufoy ». Dans quelques jours nous serons à Stanley, nous retrouverons un semblant de civilisation, retrouverons une connexion au monde extérieur, et ce carnet de bord pourra être publié. Il restera tout de même une dernière petite étape pour rallier Beaver et nous installer dans notre petite maison à terre, ce qui sonnera vraiment la fin du voyage. J’aurais donc d’ici une semaine ou deux encore quelques bords salés à vous conter, des pensées à partager, et d’autres photos pour illustrer le retour chez nous. Je vous souhaite d’ici là une excellente fin de semaine !
- Ilhabela et Florianópolis
Mercredi 25 Octobre 2023 Position : 27°26’ S et 48°22’ W Au mouillage à Praia dos Ingleses, Florianópolis– île de Santa Catarina Bonjour à tous, Le temps semble avoir filé bien vite depuis mon dernier carnet de bord, et nous voici déjà prêts à quitter le Brésil. Nous sommes prêts à mettre le cap vers les Falkland, en revanche le vent, lui, semble décidé à nous fermer encore une fois la porte…puisqu’il est presque plein Sud, donc pile sur notre route, et bien plus fort qu’on ne l’avait estimé d’après les prévisions. Mais voyons le positif…cela veut dire que j’ai encore du réseau, et me laisse donc le temps d’écrire et de publier ce message. Nous nous étions quittés la dernière fois alors que nous approchions de l’île de Sao Sebastiao, plus connue sous le nom d’Ilhabela qui est en fait le nom de la municipalité, et qui signifie littéralement « belle île ». Ma foi c’est vrai que cette île est pleine de charme et très jolie. C’est plutôt tranquille avec « seulement » 30 000 habitants pour 350km2 environ – tout est relatif évidemment (par rapport à chez nous, c’est surpeuplé !). Nous y arrivons de nuit, vers 22h, et sommes accueillis par Gaby, le père d’une très bonne amie, qui nous a réservé une bouée au Pinda yacht club, où nous pouvons nous amarrer gratuitement. C’est une aubaine, car même si on peut très bien jeter l’ancre si on veut, cela nous permet d’être tout près de la plage, et de pouvoir utiliser les douches, vider nos poubelles, et puis avoir un lieu où amarrer l’annexe en sécurité. Des détails qui paraissent insignifiants quand on est à terre, mais qui revêtent beaucoup d’importance lorsque l’on vit sur un bateau. Le lendemain de notre arrivée, mercredi, le soleil est au rendez-vous, et nous allons nous balader dans le centre historique afin de dégourdir nos jambes dans les petites rues pittoresques, et de se payer une bonne glace. Après cela, nous allons passer la fin de journée chez notre ami Gaby, saisissant du même coup l’occasion de donner un bain à Louis dans une vraie grande baignoire. Chaque escale semble ravir notre petit moussaillon, qui découvre les nouveaux environnements avec bonheur…sans parler des nouveaux amis ! On se sent bien ici car nous avons déjà nos marques, puisque nous étions venus passer une dizaine de jours avec nos amis il y a 5 ans. Le rythme est différent cette fois, avec des levers plus matinaux, moins ou plutôt pas de randonnées la pluie nous en dissuadant, et beaucoup moins de caïpirinhas le soir ! Mais on arrive tout de même à caler de sympathiques promenades, un peu de shopping, une belle séance de baby yoga avec Cielo, la femme de Gaby, qui est instructrice de yoga, et aussi une visite de la voilerie North Sails que dirige Gaby. Louis s’éclate à gambader sur le joli plancher tandis que Dion & moi regardons les belles voiles en fabrication avec les yeux ronds, salivant presque comme si nous étions devant la vitrine d’un magasin de bonbons. On prévoit de partir vendredi soir, mais la météo n’est pas si engageante, et puis nous recevons une invitation du commodore du yacht club pour une petite fête le lendemain, qu’il nous parait malpoli de refuser. En prime, il s’agit de manger de la feijoada, qui est le plat traditionnel Brésilien, un râgout à base de haricots noirs et de viande de porc, et que nous adorons. C’est finalement assez comique car Gaby nous avait dit que cela démarrait à 16h…et lorsque nous arrivons…c’est déjà quasi terminé. Il reste un peu à manger, mais le concert, lui, est quasiment fini. On a tout de même le temps de se déhancher rapidement le temps de quelques chansons, puis nous dégustons tout de même une très bonne feijoada. Le ventre bien rempli, nous regagnons le bord vers 19h, couchons le petit, puis faisons route vers Florianopolis. Ilhabela n’a pas disparu dans le sillage que nous avons déjà envie d’y retourner, pour revoir l’île bien sûr, mais surtout pour retrouver nos amis qui nous y ont si bien accueillis. Le début de navigation est plutôt agréable, pour une fois nous partons au portant, pas trop de mer, le bateau marche à 7 ou 8 knts… Mais rapidement l’affaire se corse. D’abord notre pilote automatique que l’on pensait réparé recommence à faire n’importe quoi, ce qui nous vaut de grandes embardées, des alarmes en pagailles, et pas mal de sprints sur le pont pour Dion. Puis arrivent de violents orages, avec averses à profusion, grondements de tonnerre et magnifiques éclairs, le tout agrémenté de jolies bascules de vent, et de variations monumentales de force. On prend donc des ris, on en relâche, passe du portant au près etc etc…en boucle pendant 24h, jusqu’à notre arrivée en milieu de nuit à Santo Antonio de Lisboa, sur l’île de Florianópolis. Pauvre Dion est un peu lessivé…on a mis juste 2 jours, mais la navigation a été intense ! Le lendemain de notre arrivée, nous entrons dans un petit mouillage où notre ami Fabio nous a trouvé une bouée pour amarrer le bateau. Le site est plutôt charmant, juste devant un village assez pittoresque, fondé par les premiers colons de l’île venus des Açores en 1748. La plage devant nous est bordée de terrasses en bois de petits restaurants, et juste à côté de nous se trouvent des rangées de parc à huitres. Fabio nous retrouve en fin de matinée, et vient prendre un café à bord, avant de nous amener déjeuner dans un restaurant typique brésilien, de passer chez lui prendre une bonne douche, puis d’emmener Dion faire les formalités d’entrée. Fabio est à l’origine un ami d’ami, que j’ai contacté car il habite ici à Florianópolis et qu’on m’avait dit qu’il pourrait nous conseiller pour le mouillage, etc. Je pars toujours du principe que pour découvrir un lieu, il n’y a rien de tel que de rencontrer des gens qui y habitent, donc je n’ai pas hésité à le contacter, et grand bien m’en a pris ! Fabio est un personnage atypique, au rire communicatif, et d’une gentillesse incroyable. Il est chirurgien généraliste, une spécialité qui n’existe plus vraiment chez nous, qui lui permet en somme d’opérer tout et n’importe quoi. Il a passé beaucoup de temps à participer à des missions humanitaires en Amazonie, où il possède d’ailleurs une maison puisqu’il a développé une passion pour cette partie de son pays. Bourlingueur infatigable, Fabio est aussi un « voileux », et avait rencontré Dion en Géorgie du Sud déjà il y a pas mal d’années. Lors de notre escale, il jongle entre ses gardes à l’hôpital, s’occuper de ses enfants, et la préparation d’un grand voyage où il est employé comme médecin accompagnateur. Il arrive néanmoins à prendre le temps de nous amener visiter un peu le Sud de l’île en voiture. Cette visite nous prend toute une après-midi, et nous permet d’apprécier la partie la plus sauvage et traditionnelle de l’île. Le vent du S est frais et le temps un peu gris, mais on apprécie tout de même les paysages, qui sur Florianópolis sont aussi nombreux que variés. Baies, criques, plages, dunes, lagunes, mangrove et aussi la forêt atlantique, « mata Atlantica » en portugais. Cette forêt, aussi ancienne que méconnue, recouvrait une bonne partie du littoral brésilien et a été largement détruite pour faire place à des villes et espaces urbains. Elle abrite une faune et une flore extrêmement riche et variée, mais nous n’aurons pas le temps de nous y promener en profondeur malheureusement. On en profite tout de même en empruntant une piste qui la traverse, apercevons tout de même un toucan et découvrons également des terres agricoles. On s’arrête d’ailleurs dans une ferme le temps de déguster un « caldo de cana » (jus de canne à sucre) et d’acheter des œufs frais. Pour rester dans le thème de la canne à sucre, Fabio nous emmène ensuite visiter une distillerie de cachaça artisanale qui utilise encore des méthodes bien traditionnelles pour produire l’élixir si convoité au Brésil. La cachaça se caractérise par une méthode de production très artisanale. Le procédé de base est plutôt simple : on récolte et presse la canne à sucre pour en extraire le jus avec des presses rotatives, on filtre le jus pour le débarrasser des résidus et on le verse dans des cuves en bois ou en inox. On y ajoute, ensuite, des levures le plus souvent indigènes pour démarrer la fermentation qui sera, dans la majorité des cas, courte (24 à 48h). Une fois la fermentation terminée, on obtient, un « vin de canne à sucre », titrant entre 6 et 10% vol d’alcool prêt à être distillé. La distillation se fera, le plus souvent, dans des alambics à repasse artisanaux. On ne garde alors que le cœur de la distillation soit 70% environ, pour obtenir une version des plus pures avec un taux d’alcool compris entre 38° et 48°vol. Pour l’adoucir, on y ajoute parfois du sucre, jusqu’à 6 grammes par litre. On a l’impression de faire un petit saut dans le passé en entrant dans la distillerie, car les presses rotatives sont ici entrainées par deux vaches. On peut voir le jus de canne partir directement dans une première cuve où il est filtré, et puis on s’approche de l’alambic, qui est alimenté par un feu de bois au-dessus duquel chauffe une marmite d’un genre de caramel de canne à sucre. Le patron nous fait goûter ce caramel, puis évidemment propose de déguster la cachaça qu’il produit, en version « pure » puis en version vieillie en fut de chêne. Bien entendu, nous achetons une bouteille de chaque, il serait triste de ne pas repartir avec un petit souvenir Brésilien ! C’est la première fois que j’achète des bouteilles remplies sous mes yeux, sans étiquette, puis bouchées avec un petit coup de marteau, et ma foi, ça a son petit cachet. Je suis sûre qu’une fois rentrés à la maison, dans quelques mois, nous serons bien contents de pouvoir déguster une petite caïpirinha faite avec la cachaça de Florianópolis ! Le soir, Fabio nous invite à dîner chez lui, et nous sert des huitres locales, mais pas franchement comme on a l’habitude de les manger. La moitié sont recouvertes de béchamel et de fromage et sont gratinées au four, l’autre est cuite dans un tout petit peu d’eau, juste le temps que les coquilles s’ouvrent. Moi qui n’ai jamais aimé les huitres car elles me rendent malades, j’arrive cette fois à en déguster 4, non seulement sans être malade, mais en prime en les appréciant ! Pour terminer cette belle journée, Dion et Fabio se rendent à un petit concert en bas de la rue, tandis que moi je reste me reposer et veiller sur Louis, qui après toutes ces aventures démarre sa première nuit à terre au Brésil. Le lendemain, nous sommes invités à un barbecue chez des amis navigateurs de Fabio, qui habitent juste à côté de là où notre bateau est amarré. Gabriel et sa femme Fabiana ont deux enfants en bas-äge et reviennent de deux ans à vivre à bord de leur bateau. Le courant passe tout de suite et nous devenons amis en un rien de temps. Louis est aux anges car leur maison regorge de jouets en tous genres, et leur petit garçon de 4 ans ne demande qu’à jouer avec lui. Elle est chirurgien, mais toujours en congé maternité, et lui est en reconversion également, si bien qu’ils sont très disponibles, et comme Fabio, ils se plient en quatre pour nous et nous font vraiment apprécier la chaleur de l’accueil brésilien. Le temps défile rapidement, entre avitaillement, sessions de jeux pour les enfants, rencontre avec la sœur d’une amie qui vit ici aussi, et c’est déjà l’heure de songer au départ. Lundi en fin de matinée, Fabio vient nous chercher pour aller faire les formalités de sortie. Cette fois, nous devons y aller tous ensemble, puisque nous allons quitter le pays. La police fédérale doit donc tamponner nos passeports. J’avais évoqué déjà la lourdeur de l’administration Brésilienne…cette journée nous le rappelle un peu trop vivement ! Un véritable marathon qui nous envoie de bureau en bureau avec des kilomètres à parcourir entre chaque, des agents absents, des heures d’attente... Un vrai bonheur avec un bambin de 13 mois qui ne demande qu’à gambader partout ! Nous regagnons le bateau à 18h30, rincés, mais en règle avec les autorités, et officiellement prêts à prendre le large. Mardi matin, je débarque avec Louis pour aller faire les courses de frais, pendant que Dion s’affaire aux derniers préparatifs à bord. Nous déjeunons ensuite chez nos amis avant de faire nos « au-revoir » et de regagner notre bord. Une fois Louis endormi, nous quittons notre bouée et nous mettons en route. La météo annonce du vent de Sud assez fort, mais nous essayons de rester optimistes en se laissant l’option de s’arrêter si les conditions sont trop mauvaises. On se rend rapidement compte que le vent est bien plus fort qu’annoncé, et dès 20h, nous prenons la décision de rallier une baie qui parait abritée et d’y patienter jusqu’à ce que le vent tourne au Nord, ou au minimum mollisse un peu, car là dehors il y a 30 à 35 kn de vent, pile sur notre route. C’est donc de là que je vous écris. On vient d’y passer une journée paisible, entourés de bateaux de pêche qui eux aussi ont choisi de s’abriter le temps du coup de vent. Cela nous permet de reprendre notre petit rythme de vie à bord, dans notre petit microcosme familial, et ma foi, c’est chouette aussi. Je vous laisse donc ici, et vous retrouverais si tout va bien d’ici deux grosses semaines sans doute, une fois que nous serons rentrés aux Falkland ! D’ici là, je vous souhaite une excellente fin de semaine !
- Brésil, de Cabedelo à Ilhabella
Lundi 9 Octobre 2023 Position : 22°55’ S et 41°58’ W Au large du Cabo Frio, état de Rio de Janeiro Bonjour à tous ! Je refais surface après deux semaines de silence, avec des nouvelles fraiches du bord. Puisque je parle de fraicheur, cette dernière s’est fait sentir pour la première fois hier soir, avec bonheur figurez-vous, car depuis les Canaries, on souffre plutôt de la chaleur à bord ! Je sais que je ne devrais pas me plaindre, car dans quelques semaines le froid mordant du grand Sud se fera sentir et je regretterais sans doute la douce chaleur tropicale… Nous croisons en ce moment à la hauteur du Cabo Frio, un tout petit peu au Nord Est de Rio De Janeiro. Cela fait 9 jours que nous avons quitté Cabedelo et la jolie marina de Jacaré, où nous nous apprêtions à relâcher lorsque je vous ai laissé le 22 septembre dernier. Après avoir remonté la rivière de Paraíba, nous nous sommes donc amarrés confortablement à l’un des deux pontons de la marina Jacaré à Cabedelo. Cette dernière est tenue par un Français, Nicolas, le staff est brésilien et super avenant, si bien que l’on s’y sent tout de suite très bien. A terre, un très bel espace est dédié aux marins en escale, comprenant un bar/restaurant, une bibliothèque pour échanger des livres ainsi qu’un espace bureau, une buanderie, des douches et WC bien entendu, le tout organisé autour d’une grande terrasse ombragée donnant sur un joli petit jardin. A quelques mètres à l’extérieur se trouve une petite piscine en libre accès, luxe suprême pour nous avec notre petit bébé qui semble aimer autant que nous les baignades. Après deux semaines confinés à bord, on est tous heureux d’avoir un peu d’espace pour se dégourdir les jambes. Notre moussaillon se régale à explorer la terrasse à 4 pattes, émerveillé par toutes les découvertes que lui permet de faire ce nouvel environnement. Il faut dire qu’il y a de quoi émerveiller petits et grands ici entre les plantes tropicales, les immenses papillons multicolores, et les oiseaux qui vont et viennent dans un joyeux ballet ponctué de piaillements. Beaucoup de Français sont stationnés ici, la plupart sont juste de retour après avoir laissé leur bateau quelques mois le temps de rendre visite à la famille au pays, et s’apprêtent à reprendre la route. On fait un peu figure d’« ovnis » dans le paysage. D’une part parce que nous ne sommes pas de jeunes retraités (sic!), mais d’autre part car nous sommes les seuls à faire route vers le Sud. On est aussi les seuls avec un jeune bébé, mais ça c’est toujours chouette car cela attire la sympathie de tous, ce qui fait qu’on fait facilement de belles rencontres. On rencontre un couple de navigateurs Luxembourgeois, ce qui est tout de même assez rare pour être mentionné, avouez que ce n’est pas un pays fort connu pour ses marins, et pour cause, la géographie ne s’y prête guère ! Cela n’a pas empêché nos nouveaux amis de descendre jusqu’au Cap Horn, et d’avoir de beaux projets de voyage encore devant l’étrave. Ces deux-là respirent la joie de vivre, et ne sont pas beaucoup plus vieux que nous, ainsi nous passons beaucoup de temps à discuter avec eux dès le soir de notre arrivée. Ils nous prêtent d’ailleurs une précieuse moustiquaire, qui permet de nous épargner au moins Louis et moi de nombreuses piqures. Dion n’est pas aussi chanceux, les moustiques qui s’infiltrent tout de même à bord semblent n’avoir de dard que pour lui ! A deux pas des pontons démarre le village des pêcheurs locaux. Ces derniers pêchent au filet, parfois directement depuis la plage tout près de nous. La plupart des maisons sont rassemblées dans une seule rue, elles semblent toutes conçues selon le même modèle, un seul étage, une micro-terrasse ombragée qui fait office de porche. Petites, mais souvent coquettes avec des peintures extérieures chamarrées qui invitent à sourire à la vie. Une atmosphère de bien-être et de légèreté se dégage en déambulant dans la rue, on est loin de la violence palpable que j’ai rencontrée si souvent au Brésil. Ici, je peux me promener seule avec mon fils pour aller faire quelques courses sans inquiétude. Ça parait banal dit comme ça, et ça devrait être le cas partout, malheureusement, dans ce pays ce n’est pas toujours le cas. Mais ici, on peut pleinement profiter, et nous ne nous privons pas. Entre bricoles à bord, farniente à la piscine, ou balades à la plage, les jours défilent vite et avant qu’on ait eu le temps de réaliser, l’heure du départ a de nouveau sonné. Bien que n’ayant pas de timing précis à respecter, notre objectif reste d’être de retour chez nous début novembre, afin de pouvoir profiter de l’été austral. Nous remettons donc les voiles le 29 septembre, et sortons de la rivière juste à peu près pile au moment où le soleil se couche, attaquant notre première nuit de navigation côtière brésilienne…au près, pour changer (donc contre le vent pour ceux qui ne maîtrisent toujours pas le jargon nautique !). Le vent est Sud Est, assez fort, et nous tirons un bord au large pour nous éloigner de la côte et éviter ainsi les éventuelles petites embarcations de pêche souvent peu éclairées et dures à repérer. Dion assurant les nuits seuls, mieux vaut rester prudents. L’objectif de départ est l’archipel des Abrolhos, une réserve naturelle un peu au Nord de Rio de Janeiro, qui se trouve aussi être un haut lieu de reproduction des baleines à bosse. Nous ne sommes pas sûrs de nous y arrêter, mais on aimerait passer près pour observer un peu les baleines, et en fonction de la météo aviser pour une escale éventuelle. Finalement, c’est de nuit que nous arrivons à la hauteur des Abrolhos au bout d’une semaine de mer, alors nous décidons de poursuivre notre chemin, d’autant que le vent est désormais portant, et se renforce. A la nuit tombée, alors que je lis tranquillement dans ma cabine, Louis endormi contre moi, Dion endormi dans le carré, j’entends un son qui me tire de ma lecture. Au début je pense que c’est peut-être un nouveau ronflement de Dion un peu original, mais peu à peu, ce son lointain semble se rapprocher, puis se dédoubler et prend véritablement l’allure l’un chant. Vous l’aurez peut-être deviné, ce sont les baleines que j’entends chanter. Je suis comme une gosse, toute excitée mais aussi émue d’être le témoin imperceptible de tant de beauté. J’ai la chance d’avoir pu observer très souvent des baleines, et d’en avoir aussi déjà entendu, mais je suis touchée comme si c’était la première fois. C’est un moment où j’ai le sentiment profond d’être en communion avec les éléments. Tout est simple, beau, paisible. Les étoiles tapissent le ciel, le voilier glisse sans effort sur les vagues légèrement luminescentes, et un concerto semble surgir rien que pour nous des profondeurs de l’océan. Ce moment-là restera sans doute dans mon esprit comme l’un des plus beaux de ce voyage. Le lendemain, nous nous réveillons et observons de nombreux souffles, puis des baleines à bosse qui brèchent : elles sautent et se propulsent entièrement hors de l’eau, pour notre plus grand plaisir. Parfois pas très loin du bateau, parfois à plusieurs centaines de mètres, invariablement en tout cas elles ne me laissent pas le temps d’immortaliser l’évènement, et ce n’est pas très grave. L’image qui nous restera sera celle d’un couple mère-baleineau, qui fait surface à quelques mètres sur notre tribord, comme pour nous faire un petit coucou. J’ai le temps de les montrer à Louis, et cela le fait beaucoup sourire et pousser de petits cris, ce qui vaut plus que toutes les photos du monde ! L’autre bonne surprise, c’est le succès de la pêche. Après une belle carangue attrapée au début de l’étape, Dion nous remonte en l’espace de deux jours deux magnifiques dorades coryphènes, et un joli thon. Voilà de quoi faire des provisions car il y a tant à manger que nous sommes contraints d’en congeler la majeure partie. Les menus sont donc revus et tournent autour du poisson, et on se régale autant de poisson cru que de poisson cuit jour après jour, sans compter les délicieux avocats brésiliens et tous les fruits exotiques que nous faisons en passant découvrir à Louis. Hier soir nous sommes passés tout près de la côte, à Cabo Frio, où nous avions imaginé nous arrêter…mais encore une fois, nous arrivons trop tard et décidons de poursuivre la route vers Ilhabela, où habite le père d’une amie à qui nous allons de rendre visite. C ‘est du reste le port où nous avons annoncé nous rendre à notre départ de Cabedelo, car ici il faut toujours annoncer son plan de route avant de se déplacer. L’administration maritime en Amérique du Sud mériterait à elle seule un récit à part tant cela peut parfois être rocambolesque d’accomplir les formalités d’entrée et de sortie, et au Brésil, c’est souvent particulièrement complexe. On ne sait pas encore bien comment ça va se passer à Ilhabela, mais ayant des amis sur place, ça ne devrait pas poser trop de problèmes. Ce matin, nous avons eu la visite de notre premier albatros. L’émotion que j’ai ressentie était double, car cette apparition avait plusieurs significations pour moi. D’abord, le bonheur de retrouver ces oiseaux au vol si gracieux, signe incontestable que nous commençons à nous rapprocher de chez nous. Et puis, j’ai cru voir en cet oiseau solitaire venu nous rendre visite, une amie navigatrice qui a quitté ce monde bien trop tôt il y a quelques jours, pendant notre escale à Cabedelo. Je ne suis pas superstitieuse, mais j’aime cette idée que les albatros portent l’âme des marins disparus, et cette visite de ce (cette ?) jeune albatros à sourcil noir dans des eaux où il n’est pas habituel de les croiser ne me parait pas anodine. Alors j’ai pris le temps de bien l’observer, de l’admirer, et de penser à la force et à la beauté qui se dégageaient de cet oiseau, planant sans effort autour de nous, comme pour nous encourager à poursuivre nos aventures faisant résonner les mots que notre amie nous avait envoyés par mail quelques jours avant de quitter ce monde. Et j’ai pensé à tous les beaux voyages qu’elle ferait désormais en déployant ses longues ailes et en planant majestueusement au-dessus des mers du Sud... Je termine donc ce carnet de bord par une traduction d’un poème de Sarah Vial que l’on trouve inscrit sur un monument au Cap Horn, et qui me semble de circonstance. Je reviendrais la semaine prochaine avec le récit de nos dernières aventures Brésiliennes ! D’ici là, je vous souhaite une très belle semaine ! « Je suis l’albatros qui t’attend Au bout du monde. Je suis l’âme en peine des marins morts Qui ont doublé le Cap Horn Depuis toutes les mers du globe. Mais tous n’ont pas péri Dans les vagues déchaînées, Aujourd’hui, ils volent sur mes ailes, Pour l’éternité, Dans une dernière étreinte Des vents antarctiques. "
- Traversée de l'Atlantique
Jeudi 21 Septembre 2023 Position : 05°58’S et 33°55’W Bonjour à tous, A l’heure où j’écris ces lignes, notre transat touche à sa fin, nous ne sommes plus qu’à une petite centaine de milles de Cabedelo au Brésil, où nous avons prévu de relâcher quelques jours. Voici presque deux semaines que nous n’avons pas vu la terre, et que notre vie s’organise naturellement à bord, à notre rythme, dicté par les éléments. Deux semaines hors du temps, sans nouvelles du monde extérieur, à vivre au jour le jour. Le Cap Vert a disparu dans notre sillage plutôt rapidement. Partis vendredi 8 en fin d’après-midi de Mindelo, nous avons volontairement fait route au Sud avec l’idée de s’arrêter éventuellement à Brava si la météo le permettait. Malheureusement, une forte houle rendait toute perspective de mouillage trop inconfortable, alors nous nous sommes contentés de longer de près cette très belle île avant de nous résigner à poursuivre notre route. Brava est sans doute une des îles les plus authentiques du Cap Vert, car encore épargnée du tourisme. Elle est aussi, comme Santo Antao, très verte, en raison d’un relief important. C’est un peu frustrant d’être si proche et de ne pas pouvoir s’arrêter, mais la route est encore longue jusqu’aux Falklands… Peu après avoir laissé les îles du Cap Vert dans notre sillage, nous devons composer avec une météo instable et des vents très faibles. Le principal problème lorsque l’on traverse l’Atlantique en descendant vers le Brésil, c’est d’essayer d’éviter le pot au noir, connu aussi sous le nom plus scientifique de zone de convergence intertropicale. Malheureusement pour nous, il se trouve que cette zone est très étendue en ce moment, et de surcroit, nous n’avons pas de moyen de prendre des fichiers météos précis à bord donc nous allons devoir composer avec. Le fameux pot au noir se caractérise donc par des calmes, mais aussi des orages, dans lequel le vent peut subitement monter violemment, changer de direction, pour retomber comme il est venu quelques minutes plus tard. On appelle ça des grains dans notre jargon. Parfois, ce sont juste des grains de pluie, et alors nous nous déshabillons en hâte et profitons de ce cadeau tombé du ciel pour prendre une bonne douche. Il faut faire vite pour ne pas risquer de se retrouver tout recouvert de savon avant que le grain ne passe. La première fois que cela se produit c’est l’euphorie, et on en profite même pour introduire Louis à notre petite danse de la pluie. C’est du reste bien pratique pour remplir sa baignoire sans toucher aux réserves du bord, et le soleil se charge par la suite d’amener tout ça à température. Hormis donc nos phases euphoriques de douches sous la pluie, le pot au noir ne nous apporte guère de joie. Il fait une chaleur épouvantable, le vent est très instable et faible ce qui fait qu’on avance péniblement, et pour couronner le tout nous sommes cernés par les sargasses. Ces algues prolifèrent depuis quelques années, et c’est la première fois que j’en rencontre à ces latitudes. Heureusement, elles ne risquent pas de s’accrocher dans la quille avec notre faible tirant d’eau, en revanche, elles se prennent parfois dans les safrans ce qui oblige Dion à les déloger à l’aide de la gaffe. Mais surtout, elles nous rendent la pêche impossible…et ça c’est désespérant, car ça reste le petit plaisir du large de pouvoir espérer chaque jour avoir du poisson frais. Alors quand on ne peut ni pêcher ni avancer, on prend notre mal en patience en faisant un petit plouf. Un petit bain de mer au milieu de l’océan, par 5000 mètres de fond, ça n’est pas donné à tout le monde. On prend donc le bonheur où on le trouve, et on savoure ces moments suspendus le regard perdu dans les profondeurs de l’océan. C’est à en attraper le vertige ! Après plus d’une semaine de lutte, nous nous extirpons finalement du pot au noir juste avant de passer l’équateur. C’est la première fois que notre petit Louis « passe la ligne » comme on dit, mais notre adorable mousse est trop petit pour que nous lui fassions le traditionnel bizutage. Et puis d’ailleurs, nous passons la ligne de nuit…ce qui fait qu’on ne la voit même pas – sic ! Le passage de l’équateur m’amène toujours à des pensées idiotes de ce genre. « De quelle couleur sera la ligne ? », « Sera-t-elle pleine ou en pointillés ? » ; « Qui la répare une fois qu’on l’a coupée ? ». Mais surtout, des questions plus techniques, comme par exemple : « Est-ce que si je laissais couler de l’eau dans un évier juste au moment de passer l’équateur, je la verrais subitement changer de sens de rotation alors qu’elle s’évacue dans le fond du dit évier ? ». Malheureusement, ma question reste en suspens, puisque finalement je dormais trop bien pour aller vérifier…et puis l’eau c’est précieux ! Nous avons donc fini par trouver les alizés, plus Sud que Sud Est-ce qui nous a valu de nous retrouver au près. Pas très confortable donc, mais un réel soulagement tout de même de pouvoir enfin avancer à la voile sans que les conditions ne changent toutes les deux minutes. On commence à croiser la route de cargos, signe immanquable que la terre approche. Ça me rappelle d’ailleurs que sur les 3 navires croisés pendant la traversée, deux battaient pavillon des Falkland, avouez que c’est une coïncidence pour le moins surprenante ! Le retour du vent a aussi signé la reprise de la pêche, et nous avons attrapé deux jolis thons, d’une variété différente de ceux pêchés en Atlantique Nord, et dont nous régalons presque à tous les repas. On en a même pêché suffisamment pour en congeler ! Louis est assez perplexe lorsqu’on remonte les poissons, mais une fois dans l’assiette, il valide amplement les efforts de pêche. Demain, nous devrions donc toucher terre, et découvrir un nouveau lieu. Cabedelo est un petit village de pêcheurs situé à l’embouchure d’une rivière, à mi-chemin entre Recife et Natal. Cela fait plus de dix ans que je ne suis pas venue en bateau au Brésil, et je suis heureuse de me projeter sur cette escale, et les possibles étapes sur notre route vers le Sud. La traversée va donc se terminer. On imagine souvent que c’est la vue de la terre qui suscite le plus d’émotions après des jours et des jours en mer. Pour ma part, ce qui est le plus marquant lors d’un atterrissage, ce sont les odeurs. Selon les lieux, on les discerne parfois même avant d’apercevoir les contours de la côte. Alors ce soir, alors que je m’apprête à passer la dernière nuit en mer de cette transat, je rêve des odeurs que vont m’apporter la terre demain et des délicieuses promesses qu’elles contiendront. Sans doute des notes boisées avec une touche d’épices, le tout sur un délicieux fond de Samba ou de Bossa Nova. Allez, je vous laisse, le Brésil nous attend ! En attendant le prochain carnet de bord, je vous souhaite un excellent week-end !
- Escale à Mindelo, Cape Vert
Jeudi 7 Septembre 2023 Position : 16°53’ N et 24°59’ W Mindelo, île de Sao Vicente - Cap Vert Bonjour ! Nous sommes arrivés au Cap Vert dimanche soir juste avant le coucher de soleil, après 20 jours de mer tous bien différents les uns des autres, un peu fatigués et ma foi bien heureux de pouvoir poser pied à terre. Une fois passé Madeire, nous sommes passés tout près des Canaries, d’abord le long de la côte Est de Palma, puis le long de la côte Est de Hierro. Ce jour-là, nous avons eu un joli coup de vent, rafales à plus de 40kn, et de belles déferlantes, tellement grosses qu’on a préféré fermer les portes du bateau pour éviter de se faire inonder si des fois l’une d’elle se serait prise à briser sur notre tableau arrière. Louis, stoïque, n’a pas bronché, quelle que soit la météo, un vrai petit marin. En revanche, et comme nous du reste, il a eu et a toujours un peu du mal à s’habituer à la chaleur. Il faut dire qu’il fait souvent plus de 30° dans notre cabine, et que malheureusement, en mer, on ne peut pas toujours bien ventiler, cela dépend d’où vient le vent. Le pauvre bébé est recouvert de boutons de chaleur, qui j’espère vont tout de même disparaitre bien vite. Nous avons donc fêté en mer le premier anniversaire de notre fils, qui n’a sans doute pas bien réalisé ce qui se passait, mais était néanmoins ravi d’avoir le droit de manger un peu de côte de porc, du gâteau au chocolat, et aussi d’avoir un nouveau jouet et 2 jolis nouveaux livres. Quant à nous, on s’est fait le plaisir de trinquer au champagne pour l’occasion, ce qui ma foi était bien sympathique. Les premiers jours de septembre nous ont souri, car nous avons commencé à enfin attraper quelques poissons. D’abord une toute petite dorade coryphène, puis 3 plus grosses qu’on a malheureusement toutes perdues. Et puis finalement, à quelques milles de l’arrivée, nous avons enfin remonté à bord un joli thon, suivi quelques heures d’après d’une belle dorade, nous assurant la promesse d’une bonne dizaine de repas de poisson frais. Nous en avons congelé une partie, et avons savouré depuis ce que nous avions juste gardé au réfrigérateur. Louis est aussi fan que nous de poisson frais, et nous nous sommes régalés de notre pêche mi et soir ces derniers jours. Hier, nous sommes allés faire une visite guidée de l’île en voiture, histoire de sortir un peu de la ville et d’en apprendre un peu plus sur l’île de Sao Vicente. Notre guide José est né sur lîle toute proche de Santo Antao, l’île verte à qui l’archipel du Cap Vert doit son nom, avant de venir s’installer ici en 1999. Santo Antao est finalement la seule île de tout le pays où l’on trouve une végétation abondante, et c’est de là que viennent la plupart des fruits et légumes du pays. Ici, à Sao Vicente, comme sur les autres îles de l’archipel, il ne pleut quasiment jamais. L’eau est produite par des déssalinisateurs, et pour cette raison est précieuse et plutôt onéreuse. Quelques fermiers, au centre de l’île, élèvent des chèvres et des vaches dont le lait est utilisé pour fabriquer le fromage local, mais la culture de légumes n’est tout bonnement pas possible. Une végétation timide couvre tout de même la terre dans cette partie de l’île, permettant aux bêtes de paître. Cela reste une agriculture marginale, et pas du tout suffisante à couvrir les besoins de la population croissante de l’île, qui compte plus de 80 000 âmes. José nous amène visiter la plage de Sao Pedro, où se trouve un village de pêcheurs. Ils y proposent aussi pour les touristes des sorties pour aller nager avec les tortues. A peine sortis de la voiture, on nous saute dessus pour nous proposer d’aller voir les tortues, ou d’acheter des coquillages. Je comprends bien que c’est leur fond de commerce, mais j’ai un peu de peine pour les pauvres tortues, qui n’ont peut-être pas très envie de voir défiler tout un tas de monde jour après jour…sans compter les touristes bravaches qui à coup sûr essayent de les toucher. Bref, nous refusons poliment, on aura de toute façon l’occasion d’aller nager avec des tortues nous-mêmes un de ces jours, puisque nous avons le luxe d’avoir notre propre bateau et le projet de naviguer dans les eaux claires du pacifique d’ici quelques années. Après avoir fait quelques pas sur la plage, nous poursuivons la visite et nous arrêtons justement sur une ferme, pour essayer d’y acheter du fromage. Malheureusement, il n’y en a pas aujourd’hui. Nous reprenons la route direction Calhau, village de pêcheurs mais surtout résidences secondaires et lieu de villégiature/week-end pour les locaux. On y perçoit bien l’aspect volcanique de l’île, et le décor est étonnant entre villas impeccables agrémentées pour certaines de bougainvilliers, un complexe touristique en béton monstrueux et visiblement pas hyper bien entretenu, et quelques maisons toutes simples qu’on imagine appartenir aux locaux. Après ça, la route longe la côte Est de l’île, entre falaises abruptes, montagnes arides et énormes dunes de sable. On arrive finalement à Playa dos Gatas, encore un village de pêcheurs, mais aussi un spot très prisé pour les baignades avec les enfants, car un petit lagon naturel permet de s’y baigner en toute tranquillité à l’abri des rouleaux qui s’abattent sur la majorité des autres plages de l’île. Nous ne dérogeons pas à la coutume locale et allons nous baigner tous les trois, le tout premier bain de mer pour notre petit Louis, qui semble ma foi tout content de l’expérience. Pour terminer, nous remontons en voiture et montons au sommet de l’île pour aller admirer la vue. Le ciel se couvre, et nous arrivons au sommet un peu dans les nuages. Notre guide est déçu, mais personnellement, nous trouvons que c’est assez atmosphérique comme ambiance, et nous nous régalons à admirer la belle vue au soleil couchant sur Mindelo. Notre guide nous offre un petit verre de « grogue », alcool local un peu comme la cachaça. Je passe mon tour mais Dion se régale tellement qu’il demande à José s’il peut éventuellement nous en trouver pour pouvoir en ramener. Affaire à suivre ! Il fait nuit le temps que nous arrivions à bord, et nous ne tardons pas à manger et à nous mettre au lit après une journée bien fatigante. Ce matin, nous sommes réveillés par une pluie battante…oui oui, vous avez bien lu. La pluie dure une bonne partie de la matinée, nous n’en revenons pas…et mon projet de lessive tombe à l’eau, c’est le cas de le dire ! On nous apprend qu’il n’a pas plu ici depuis 4 ans, c’est l’évènement. Je suis bien contente d’avoir réservé le petit tour de l’île pour hier et pas aujourd’hui, ça aurait été moins drôle. Il nous reste à peine 24 heures puisque nous avons prévu de partir demain en direction du Brésil. Au programme donc balade en ville, derniers achats, formalités de sortie, et nous retrouverons notre rythme maritime dès demain. On espère atteindre le Brésil fin septembre, sans être vraiment fixés sur notre lieu d’atterrissage, mais ce sera plutôt au Nord a priori. Sur ce, je vous laisse, et vous dit donc à bientôt depuis l’autre côté de l’atlantique !
- Faux et Vrai départ!
Mercredi 23 Aout 2023 Position : 37°24’6 N et 13°01’6 W Au large du Sud du Portugal Bonjour à tous ! Voici plus de deux semaines que nous avons largué les amarres de Dielette, le dimanche 6 aout dernier. Nous étions plein d’entrains ce jour-là, après avoir piaffé d’impatience une bonne partie de la semaine, frustrés de ne pouvoir mettre les voiles pour cause de météo. En effet, deux méchants coups de vents se sont succédé rendant le départ sinon impossible pour le moins déraisonnable. C’est donc par une jolie brise d’Ouest que nous avons quitté le cotentin le dimanche 6, après un dernier au revoir à mes parents, et aux amis venus nous souhaiter bon vent. A peine sortis du port, néanmoins, une mauvaise manip nous obligeait à faire demi-tour et revenir à quai pour aller récupérer la drisse de grand-voile qui était partie en tête de mât. Malgré le temps perdu, nous avons réussi à tirer un grand bord jusque Sark, puis deux petits bords pour rejoindre le port de St Peter à Guernesey, où nous avions prévu de passer la nuit afin de faire le plein de gasoil, puis de faire route vers les Açores. Au petit matin du lundi, nous faisons un petit tour en ville, de quoi faire le plein de cheddar pour la traversée, allons régler les frais de port, puis en milieu de matinée, nous dirigeons vers le ponton gasoil pour faire le plein. La corvée terminée, nous sortons du port et constatons très rapidement qu’il y a eu une fuite par la mise à l’air. On éponge, on dégraisse, etc, mais malgré tous nos efforts, l’odeur s’insinue partout. Puis rapidement, on se rend compte aussi qu’il y a visiblement une fuite ailleurs, par une des trappes d’accès au réservoir, qui malheureusement ne sont pas vraiment accessibles actuellement. Je suis dépitée… On vient à peine de partir, tout était prêt, le bateau était tout propre, et voilà qu’on a du gasoil plein les fonds. Pour avoir déjà vécu ça, je sais qu’il faudra des jours et des jours pour se débarrasser de l’odeur. Et puis je suis surtout inquiète par rapport à Louis, mais Dion me rassure, et se démène plusieurs fois par jour pour nettoyer, dégraisser encore et encore, et jour après jour ça s’arrange. Mardi, nous contournons la pointe de la Bretagne, et mercredi, nous commençons notre traversée du golfe de Gascogne avec du vent favorable. On envoie le code D, notre nouvelle voile qui permet d’accélérer aux allures un peu portantes et jusque 70° du vent, ça glisse bien à environ 7kn. Je viens de mettre Louis à la sieste, on boit un thé tranquillement dans la timonerie quand Dion remarque un truc qui ne semble pas normal au niveau de la têtière de grand-voile. La vérification aux jumelles confirme notre crainte, le chariot de têtière est cassé. Cela nous fait l’effet d’une douche froide. Il va falloir affaler la voile, mais surtout faire demi-tour pour aller acheter une pièce de rechange. On ne comprend pas pourquoi la pièce a cassé, ni quand…mais une chose est sure, nous ne pouvons pas continuer comme ça. La mort dans l’âme, nous faisons route vers Brest. Nous y arrivons au petit matin le jeudi 10 Aout, et nous amarrons au port du Moulin Blanc. Notre ami Franck viendra rapidement nous retrouver, puis amener Dion à la douane pour faire les formalités d’immigration, puisque nous avions quitté le pays… L’après-midi, Dion doit voir le revendeur de la pièce que l’on recherche, mais ce dernier est en déplacement et ne rentre finalement pas à temps. A l’ouverture le lendemain, Dion y retourne et apprend qu’il n’a pas de pièces en stock…mais surtout, plus inquiétant, que le fabricant (Facnor) est en congé annuel jusqu’au 21 Aout. Cette annonce nous fait une nouvelle fois l’effet d’une douche froide. A l’annonce de cette « sentence », je prends mon téléphone et commence à éplucher l’annuaire pour tenter de trouver quelqu’un qui ait la pièce et puisse nous tirer d’affaire avant 2 semaines ! Par chance, un ancien ami de St Malo a la pièce en stock, mais il est 11 :45 et il ferme pour congés à 12 :30…et nous sommes à Brest ! Gentiment, il propose de confier les pièces à une collègue qui elle ne ferme qu’à 18h30. Cela me laisse le temps de m’organiser pour trouver une voiture et décider qui ira à St Malo. C’est finalement Dion qui s’y colle. Il arrive sur place vers 17h30, et ne sera de retour que vers 21h. Mais nous sommes heureux…nous allons pouvoir réparer ce week-end et repartir lundi, c’est un sacré soulagement ! Dion passe donc la journée de samedi à démonter puis remonter tous les chariots de grand-voile, monte s’assurer que le rail n’est pas trop abimé à l’endroit où le chariot s’est arraché, et en profite pour régler d’autres bricoles. Dimanche matin, nous profitons d’être à Brest pour nous rendre au marché, et faire un dernier complément de courses. L’après-midi, je vais visiter Océanopolis, le grand aquarium de Brest, avec Louis. Nous avons eu une place offerte par la marin, joli cadeau vu qu’une entrée adulte vaut presque 25€ en haute saison. Le complexe est immense et la visite est très agréable et intéressante, on pourrait facilement y passer une journée. Il y a des conférences, ateliers, et autres activités proposées, mais vu l’âge de mon bébé je me contente de me promener en regardant les aquariums. Louis se régale à observer les poissons, coraux, requins. Il y a même un espace polaire…avec des manchots et des phoques ! Nous ne nous y attardons pas trop, on a mieux à la maison de ce côté-là… On aura en tout cas passé 3 heures très agréables et nous rentrons au bateau comblés tous les deux. Lundi 14 Aout en début d’après-midi, Franck arrive avec du pain frais, des croissants et des kouing aman (et oui, on est en Bretagne !), pour nous larguer les amarres. Il nous a aussi amené une bouteille de champagne pour fêter le premier anniversaire de Louis à la fin du mois, attention qui me touche beaucoup. Cette fois, nous voilà partis on espère pour de bon ! La destination a changé, nous n’avons plus le temps de visiter les Açores, donc cette fois nous visons le Cap Vert, à une distance de 2300 Milles nautiques. Nous quittons la rade de Brest avec une météo on ne peut plus de circonstance, sous un ciel plombé et une bruine fine. Je pense que c’est le pire été que j’ai connu…même pour le Cotentin et le Finistère, la météo a été exécrable depuis Juillet. On se croirait presque en Novembre… Mais une fois au large, nous retrouvons du ciel bleu. Les premiers jours passent rapidement avec du petit temps au près, et des températures plus estivales. Nous attrapons même notre premier poisson dès le deuxième jour, une petite bonite dont nous nous régalons deux repas de suite. Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas pu se préparer du poisson cru, et on se délecte de ce premier repas de poisson en mer. Au troisième jour, alors que nous approchons le Cap Finistère (pointe NW de l’Espagne) le vent forcit comme prévu et vire pile dans le nez, nous naviguons sous voilure très réduite vers l’Ouest, et faisions le dos rond dans la tempête. Nous passerons même quelques heures à la cape au plus fort du coup de vent, avec 5 mètres de vagues et plus des rafales à plus de 40kn (80km/h), autant vous dire que ça secoue fort. Dion et Louis le vivent admirablement bien, moi en revanche, je vomis tripes et boyaux et me demande bien pourquoi je suis désormais si facilement sujette au mal de mer après des années à ne jamais avoir été atteinte de ce mal… Enfin, tout passe, et ce coup de vent ne fait pas exception. Rapidement, le vent mollit, passe à l’Ouest puis au Nord-Ouest, et nous reprenons notre route vers le Cap Vert. Après des débuts très lents faute de vent, peu à peu le brise s’établit et nous gagnons jour après jour du terrain vers le Sud. Le bateau étant très chargé, nos performances s’en ressentent un peu, et nous peinons à avancer aussi vite que nous l’aimerions. Il nous faudrait un peu plus de vent, malheureusement, c’est un paramètre qu’on ne contrôle pas ! Nous sommes actuellement à 240 milles de l’archipel de Madeire qui se trouve à peu près pile sur notre route, et d’où je pourrais peut-être poster ce carnet de bord si on s’approche assez près des côtes et qu’on capte le réseau téléphonique. Je vous laisse donc et vous enverrais les prochaines nouvelles depuis le Cap Vert, que nous espérons atteindre tout début Septembre. D’ici là, portez-vous bien !
- De Jura aux Îles Scilly
Lundi 3 Juillet 2023 Position : 49°57’ N 6°19’W Mouillés dans St Helen’s Pool, Iles Scilly Bonjour ! Nous nous étions quittés la semaine passée alors que nous nous apprêtions à rejoindre l’île de Jura. Le vent étant pour une fois pas dans le nez, la navigation jusque cette île est fort plaisante, et surtout une des plus rapides jusqu’ici. Nous embouquons Loch Tarbert sur la côte sauvage en tout début d’après-midi, et remontons ce spectaculaire bras de mer à la voile. Ce loch marin coupe quasiment l’île en deux, et rejoint presque la côte Est tant il pénètre profondément dans les terres. Un passage très étroit rend l’entrée plutôt spectaculaire, et amène Dion à démarrer le moteur pour des raisons de sécurité. Il y a déjà un voilier au mouillage dans la baie recommandée par les guides nautiques, aussi poursuivons nous jusqu’au bout. Là, un minuscule petit passage permet de s’enfoncer encore plus profondément dans le loch, et nous osons nous y engager. Nous nous arrêtons toutefois rapidement pour mouiller dans un des premiers méandres, la cartographie annonçant par la suite de nombreux rochers. Une petite vedette à moteur appartenant sûrement à un local est amarrée sur un coffre dans la petite baie où nous jetons l’ancre. Nous nous assurons d’avoir bien la place avant de mouiller, puis de descendre à terre explorer notre nouveau terrain de jeu. Comme souvent, nous nous heurtons rapidement à un barrage de fougères…et qui dit fougères dit tiques…et donc méfiance absolue. En prenant un peu de hauteur, nous trouvons des petites sentes crées par les cerfs qui paraît-il sont nombreux sur l’île. Nous sommes heureux de pouvoir marcher un peu, et surtout de découvrir le panorama qui s’offre à nous depuis le sommet de la petite colline. A notre retour sur la berge, nous embarquons dans le zodiac et décidons de remonter le loch pour voir ce qui s’y cache au fond. Comme prévu, nous rencontrons pas mal de rochers, sans problème évidemment à bord de notre petite embarcation, mais qu’il aurait été bon de repérer avant de s’engager avec le gros bateau. Une grande baie se trouve au fond du loch, où quelques bateaux locaux sont amarrés sur coffres. Le paysage est moins grandiose que dans « notre » petite baie, et nous sommes finalement bien contents d’avoir choisi de jeter l’ancre là-bas. Au retour, nous nous régalons une fois de plus d’une poêlée de St Jaques péchées par Dion il y a quelques jours, mets dont on ne se lasse décidément pas. Le lendemain matin nous nous levons sous des trombes d’eau…on dirait que la journée d’exploration risque de se terminer à bord ! Après déjeuner, nous quittons le mouillage pour rejoindre la baie que nous avions passé la veille et où était mouillé un voilier…il y en a désormais 4 ! Qu’à cela ne tienne, nous rejoignons le groupe et mouillons non loin du plus petit d’entre eux. Il s’agit d’un tout petit voilier en bois, sans cabine. Une bâche est tendue sur la bôme créant une tente sous laquelle vit vraisemblablement le propriétaire. Ce dernier apparaîtra un peu plus tard, un solide gaillard d’au moins 60 ans, qui nous regarde l’air passablement inquiet alors que les rafales de vent nous rapprochent un peu près de son frêle esquif. En fin d’après-midi, nous profitons d’une légère éclaircie pour faire un petit tour à terre, sous la bruine donc. Nous marchons sur une plage de galets jusqu’à un barrage assez conséquent dont on se demande bien pourquoi il a été construit puisque personne ne vit là. On apprendra plus tard qu’il a été créé pour la pêche à la truite ! A notre retour, nous repositionnons le bateau pour être un peu plus loin de notre voisin et le laisser dormir paisiblement. Nous quitterons ensemble le mouillage au petit matin, toujours sous la pluie. Dion est impressionné : comme il n’y a quasiment pas un souffle, notre voisin quitte le mouillage à l’aviron, jusqu’à ce qu’il atteigne un endroit avec suffisamment de vent, et alors il hisse sa voile pour filer gentiment vers sa prochaine destination. Tandis que nous, les « jeunes », on démarre le moteur, lui fait ça à l’ancienne, c’est beau et ça force le respect. Nous descendons le Sound of Islay au moteur…et contre le courant, donc doucement. Cela nous permet d’observer la côte…qui hormis quelques distilleries dont la célèbre Coal Ila sur Islay, est peu construite. Nous observons à plusieurs reprises des cerfs, mais les conditions sont loin d’être optimales pour les photographier. Nous arrivons vers midi à Craighouse, le petit village et « capitale » de Jura si l’on veut. La baie est parsemée de coffres pour recevoir les visiteurs, mais nous ne sommes que 3 voiliers dans la baie, et personnellement, nous préférons rester sur notre ancre. Peu après notre arrivée, nous sommes surpris par l’amerrissage d’un hydravion, qui atterrit à pleine vitesse entre les mouillages, avant d’aller s’amarrer au petit ponton qui se trouve en face du magasin. Le magasin ici fait aussi office de poste, et jouxte un petit bâtiment qui se trouve être l’école. A quelques pas de là se trouve la distillerie…du célèbre whisky du nom de l’île, « Jura » donc. Depuis le temps qu’on se balade en Ecosse, je trouve qu’il est grand temps que nous visitions une distillerie, alors nous allons d’un pas décidé vers cette dernière. Malheureusement, ils ne font pas de visites le mercredi, apparemment c’est le jour du nettoyage des cuves si j’ai bien compris. Ils nous proposent néanmoins une dégustation ! A 14h et vu que j’allaite encore, je décline poliment, mais Dion lui, accepte avec plaisir. Il commence par dire qu’il a trouvé son dernier whisky Jura trop sucré, alors l’employé, qui parle d’ailleurs très bien français, s’empresse de demander duquel il s’agit avant de s’agiter frénétiquement et de dénicher une bouteille susceptible de plaire à mon homme. Il lui sert alors une bonne rasade d’un whisky qui n’est vendu que dans la distillerie…pour la modique somme de…300£ ! Surprise surprise, Dion le trouve à son goût ! Je l’incite tout de même à en gouter un deuxième à un tarif plus abordable, parce que je n’ai aucunement l’intention d’investir autant d’argent dans une bouteille de whisky, le breuvage semble s’évaporer bien trop vite ! Évidemment, le deuxième whisky est moins bon que le premier, mais étant à peu près 10 fois moins cher, il passe tout de même le test, et nous pouvons repartir d’Ecosse avec un souvenir de circonstance. En fin d’après-midi, nous quittons le mouillage à la voile et faisons route vers le « mainland », où nous allons rendre visite à un ami. Il s’agit d’un caméraman avec qui nous avons travaillé il y a quelques années, avec qui nous nous entendons super bien, et dont j’admire vraiment le travail. Il habite au fond d’un petit loch appelé Loch Na Cille, juste au Nord de Loch Sween. Il y a même une belle jetée pour débarquer, et c’est apparemment un lieu idéal pour observer les loutres : un vrai petit coin de paradis. Louis est content de pouvoir débarquer un peu et surtout déambuler un peu plus librement sur la pelouse tondue ainsi que dans la maison. En plus, il y a un chien, ce qui met toujours notre petit bonhomme en joie. Nous passons une belle soirée à discuter tranquillement autour de délicieuses pizzas maison, c’est sympa de découvrir le lieu de vie et la famille de quelqu’un avec qui on a passé autant de temps à bord. Le lendemain, nous allons nous balader sur la pointe et réussissons à ne pas nous faire trop rincer malgré quelques jolies averses. Au retour, nous visitons la petite chapelle qui abrite de très anciennes pierres tombales sculptées, un véritable travail d’orfèvre. L’après-midi, c’est repos à bord, avant de retourner à terre en fin d’après-midi. En début de soirée, nous partons de conserve avec le petit voilier de John pour mouiller au bord d’une petite plage à l’entrée du loch, avec l’idée d’y faire un feu et de pique-niquer. La météo n’est pas franchement avec nous, et un vent bien frisquet se lève, mais nous arrivons néanmoins à débarquer tous et apprécier un petit moment hors du temps dans ce joli petit coin d’Ecosse. Au retour, nous disons au revoir à notre ami et toute sa famille, car nous avons prévu de partir vers le Sud dès que le courant sera favorable, et eux seront absents la matinée. Vendredi, sous une pluie discontinue, nous levons l’ancre et amorçons notre navigation vers le Sud. Le vent est toujours un peu dans le nez, et nous tirons donc quelques bords avant de mouiller en début de soir à l’Est de lîle de Gigha. Nous en repartons aux premières lueurs du jour samedi matin. Cette fois, le vent a tourné à l’Ouest, et nous pouvons enfin apprécier les performances de notre voilier. On fait même des pointes à 14knts ! Bon, certes, le courant nous aide, mais tout de même, c’est satisfaisant d’avancer enfin rapidement. Contrairement aux prévisions cependant, le vent ne restera pas aussi favorable tout du long, et nous nous retrouvons le plus souvent à une allure de « bon plein », c’est-à-dire entre le près et le travers, ce qui n’est pas le plus confortable à vivre. Louis ne me laisse pas beaucoup dormir et du coup je ne me sens pas très bien durant les 48 heures que nous passons en mer avant d’arriver aux îles Scilly. Nous sommes donc arrivés ce matin, sous un ciel bleu parsemé de jolis cumulus, et une brise bien établie à plus de 30knts. 3 ris dans la grand-voile, trinquette, le bateau marche toujours bien alors que se dessinent les îles sur l’horizon. Nous visions l’île de Tean, parce qu’elle est inhabitée et parait très jolie, et aussi parce qu’un de nos meilleurs amis aux îles Falkland (originaire des Scilly) a appelé son bateau ainsi. Nous jetons l’ancre en milieu de matinée, juste à temps pour la sieste de Louis. On aimerait se balader, mais le vent ne mollit pas, alors à la place, on fait un peu de ménage et un brin de toilette, en espérant pouvoir profiter un peu plus de l’escale demain, car mercredi il faudra remettre le cap à l’Ouest pour rejoindre la France et plus précisément le cotentin, où les grands-parents de Louis l’attendent avec impatience. Je vous laisse donc pour l’instant, et vous dit à bientôt pour le carnet de bord final de cette boucle Irlando-Anglo-Ecossaise ! PS : crédit photo Oli Prince pour la photo de couverture
- De Arisaig à Iona Sound
Lundi 26 Juin 2023 Position : 56°17’ N et 6°22’W Mouillés non loin de Tinkers Hole, Iona Sound Bonjour à tous, Je me demande souvent comment c’est possible que le temps passe aussi vite…déjà une semaine que je n’ai pas donné de nouvelles, et pourtant, j’ai l’impression que c’était hier ! Nous nous étions quittés près de Arisaig, où nous attendions deux bons amis qui sont venus nous rendre visite. Ils travaillent tous deux et ont réussi à poser une journée pour venir nous voir, mais cela les oblige à faire pas mal de route, donc ils n’arriveront que dans l’après-midi. Dès leur arrivée, nous levons l’ancre pour aller trouver un petit coin plus intime dans les skerries, petits îlots rocheux tous proches. Après une matinée pluvieuse, le temps est revenu au beau, et une fois le bateau mouillé entre les îles, nous sautons dans l’annexe pour aller nous dégourdir les jambes. Malheureusement, on constate rapidement que le terrain est miné : après seulement quelques minutes de marche, nous sommes couverts de tiques, et rebroussons vite chemin. Nous nous installons sur des rochers au bord de l’eau, inspectons scrupuleusement nos corps et vêtements pour les débarrasser de des sales bêtes, puis sortons de la glacière les quelques bières amenées par notre ami Rich et trinquons à nos retrouvailles. Personnellement, je ne l’avais rencontré qu’une fois il y a presque 20 ans, mais c’est un très bon ami de Dion, et ils ne s’étaient pas vus depuis près de 15 ans ! Autant dire qu’ils ont des choses à se raconter… Kim, l’autre amie venue nous retrouver, est aussi une amie de longue date, néanmoins comme elle travaille dans le secteur du tourisme Antarctique, nous avons eu plus l’opportunité de nous croiser ces dernières années, mais toujours dans un contexte de boulot. C’est donc vraiment chouette de se retrouver ici en Ecosse, de leur présenter notre fils, et de leur faire découvrir un peu notre bateau tout en en profitant pour découvrir de nouveaux petits mouillages. Pendant que nous savourons cette petite bière, un petit remous dans l’eau attire mon attention, et quelle n’est pas ma surprise d’apercevoir pour la première fois deux loutres ! Les loutres vivent en bord de mer, dans les rivières ou dans les lochs, généralement le long des côtes nord et ouest. Le nombre de loutres vivant sur le territoire écossais est estimé à près de 8000. Les loutres sont particulièrement actives entre le soir et le petit matin, et jusqu’ici, nous n’en avions pas observé du tout… Je suis toute excitée, et peut-être aussi un peu déçue de ne pas avoir mon appareil photo avec moi. J’arrive tout de même à prendre une petite vidéo avec mon téléphone, et puis surtout, je partage ma joie de cette rencontre furtive mais néanmoins intense avec nos amis, et ça, ça n’a pas de prix ! De retour à bord, je m’attelle aux fourneaux tandis que Dion met le couvert, sert l’apéritif, et commence à nourrir le bébé. Nous passons une très belle soirée pleine de chaleur, de bonne humeur et de rires. Le carré résonne encore du rire que seules les plus belles amitiés font poindre lorsque je me couche, fatiguée de tant d’émotions, et heureuse aussi d’avoir pour la première fois à bord toutes les « couchettes » d’occupées ! Au petit matin le vent s’est levé, alors une fois le petit déjeuner avalé, nous décidons de changer de mouillage. Nous mouillons cette fois entre la côte et un autre petit îlot, que nous comptons bien explorer après déjeuner. Rich doit partir en début d’après midi, mais Kim débarque avec nous sur le petit îlot paradisiaque. Cette fois, que du sable et de la roche, on sera donc à l’abri des vilaines tiques, et petit Louis peut donc s’amuser gaiement dans le sable à quatre pattes, ce dont il ne se prive pas. Dion, pendant ce temps-là, cherche frénétiquement des St Jaques, sans succès. Il ramène tout de même une huitre…c’est déjà mieux que rien ! L’îlot est recouvert de minuscules morceaux de corail et de coquillages, avec l’eau turquoise, on se croirait vraiment dans les tropiques si ce n’est pour le petit vent frais…et la température de l’eau bien que par endroits elle soit plutôt bonne pour une fois ! En fin d’après-midi, nous déposons Kim et profitons d’une brise légère pour faire route vers Lunga, où j’aimerais retourner observer les macareux au lever du jour, avant que les touristes ne débarquent. La brise s’estompe un peu trop vite, et ce n’est qu’à 1h00 du matin que nous arrivons sur place, enfin je dis nous, mais Dion assure seul l’arrivée tandis que moi et Louis dormons paisiblement… Le matin, je trépigne d’impatience en attendant que mes hommes se lèvent. Il fait un temps superbe, la lumière est belle, et pas un bateau de touristes à l’horizon. Nous débarquons vers 8h00 et sommes seuls sur l’île, c’est un sentiment merveilleux. Le soleil est déjà un peu haut pour faire des photos vraiment magiques, mais la lumière me convient mieux que lors de notre dernière visite (c’était dans l’heure de midi). En un mois, nous trouvons que l’île a bien changé. Les jolies fleurs sauvages de printemps ont pratiquement toutes disparues, et si nous ne les voyons pas, nous entendons parfois et devinons surtout que les macareux ont désormais des poussins. Les parents se relayent pour nourrir leur progéniture, et nous nous régalons de les voir atterrir le bec chargé de poissons, pour rallier leur terrier et livrer le repas fraichement pêché à leurs poussins. Le poussin mange des poissons entiers apportés par les parents qui les lui présentent pendus et alignés de chaque côté du bec, ceci durant 6 semaines où les parents ne s'alimentent plus ou presque plus. Pendant deux heures, nous avons l’île rien que pour nous et ne perdons pas une miette du spectacle formidable que nous offrent ces petits oiseaux si touchants. Nous observons aussi un oiseau moins connu dont le nom est pourtant évocateur, puisqu’il s’agit du petit pingouin, aussi connu sous le nom de pingouin torda. Contrairement aux manchots (dont le nom anglais « Penguin » les fait souvent confondre avec lui) le petit pingouin peut voler. Les adultes sont noirs sur le dos et blancs sur le ventre, la poitrine est brun-noir. Le bec est de couleur noire, et porte une à plusieurs rayures transversales grises et une rayure transversale blanche. Ce sont de très jolis oiseaux, et je prends beaucoup de plaisir à les photographier eux aussi. En fin de matinée, nous regagnons notre bord avant que les vedettes ne débarquent leurs flots de touristes pour la journée. Nous prenons le temps de déjeuner tranquillement avant de mettre le cap sur Ulva, où nous avons prévu de passer quelques jours puisqu’un coup de vent est annoncé…et qu’on sait qu’on pourra presque à coup sûr y pêcher des coquilles St Jacques, de quoi faire passer le temps très agréablement pendant une tempête ! A peine arrivés, Dion se met à l’eau…et revient une grosse heure plus tard avec une quarantaine de St Jacques. La pitance est assurée pour les jours qui viennent et la météo peut bien faire ce qu’elle veut, on sait qu’on va se régaler ! Le vendredi est finalement plus pluvieux que venté, mais nous sommes bien heureux tout de même d’être bien à l’abri, et seuls qui plus est. On imagine que la plupart des voiliers ont rallié les marinas les plus proches. De notre côté, nous affectionnons particulièrement ce petit coin au Sud de Ulva, Cragaig Bay, et nous déplaçons un peu dans différents endroits. En fin d’après-midi, croyant que la pluie avait cessé pour de bon, nous décidons de nous rendre à terre pour une petite balade. C’était vraisemblablement trop optimiste de notre part, à peine avons-nous posé le pied à terre qu’il se met à pleuvoir à verse, et c’est bien trempés que nous rejoignons le bord tous penauds moins d’une heure plus tard. Cela aura permis de tester la cape de pluie du porte bébé, qui s’est avérée très efficace, et d’observer de près un petit troupeau de jolies vaches « highland » avec leurs petits. Ces vaches originaires du Nord de l’écosse ont une robe le plus souvent rouge, mais parfois noire ou encore rarement blanche ou grise. Elles ont le poil long et sont caractérisées notamment par une longue paire de cornes dressées en l’air. Elles nous regardent l’air perplexe lorsque nous osons débarquer non loin de leur pâturage, l’air de se demander ce qu’on fait là – ce que du reste, je me demande aussi vu la météo ! Au retour, nous apercevons une loutre mais elle est un peu trop loin et il fait un peu trop mauvais pour bien apprécier le moment… Le samedi, la pluie se tarit doucement et nous partons en fin de matinée pour le ponton du ferry de Ulva, où nous souhaitons aller faire le plein d’eau…car nos réserves commencent à s’amenuir. Il faut dire que nous naviguons depuis plus de 4 semaines depuis le dernier plein fait en Irlande, et nous sommes donc heureux de constater que nous avons été assez économes pour tenir aussi longtemps. On estime avoir consommé 400L, donc à peu près 100L par semaine, à trois, ce n’est pas si mal ! Nous aimerions investir dans un déssalinisateur prochainement pour être complètement autonome à ce niveau, mais pour l’instant, on doit faire sans et ce premier voyage est un bon test. Le petit ponton est conçu pour pouvoir accueillir quelques voiliers. Situé sur l’île de Mull, il est tout nouveau, et un bâtiment en construction abritera prochainement des sanitaires. Le ferry qui dessert Ulva est en fait un petit bateau en aluminium d’environ 5 mètres…l’île n’est qu’à quelques centaines de mètres ! Une fois le plein fait, nous repartons vers notre mouillage préféré, car ce soir, une petite tempête doit souffler. Nous avons le temps de nous promener rapidement à terre avant de dîner, et d’admirer les formations nuageuses qui annoncent le vent à venir. Dimanche matin, la tempête ne s’est pas encore étouffée, alors nous prenons notre temps. J’en profite pour faire un gâteau, le premier dans le four du bateau ! Puis, après déjeuner, nous levons l’ancre et faisons route vers le Sud. Nous visons Iona sound, avec l’idée de mouiller non loin du célèbre mouillage de Tinkers hole mais pas forcément là, car on attend de la brise un peu forte du Sud. Nous mouillons donc un peu plus au nord, entre un joli îlot et la côte de Mull, et nous promenons en zodiac avant de débarquer sur une minuscule plage de sable blanc. La soirée est superbe, et nous admirons encore un magnifique coucher de soleil sur Iona le soir après avoir couché Louis. Ce matin, le temps est couvert, mais cela ne devrait pas nous empêcher de nous mettre en route prochainement. On amorce la descente vers le Sud, et visons l’île de Jura, sans doute la côte Ouest qui est très sauvage et que peu de gens visitent. Je vous raconterais ça dans quelques jours ! D’ici là, je vous souhaite une excellente semaine à tous !
- Skye et Eigg
Lundi 19 Juin 2023 Position : 56°53’N et 5°54’W Mouillés pas loin d’Arisaig Bonjour ! Le temps passe et nous poursuivons notre bonhomme de chemin à la découverte des Hébrides. Mon dernier récit s’était arrêté aux îles Ascrib, au Nord-Ouest de l’île de Skye, non loin de chez nos amis photographes installés depuis peu sur cette dernière. Au matin du vendredi, nous avons donc rejoint au moteur le fond du loch Snizort où se trouve leur maison, et avons débarqué pour aller découvrir leur joli home sweet home avec une incroyable vue sur le bras de mer où nous avons jeté l’ancre. L’après-midi fut consacré à la visite du joli port de Portree, qui se trouve aussi être le plus grand village de Skye avec environ 1000 habitants. Plein de jolies boutiques de souvenirs, cafés et petits restaurants sont concentrés dans le centre de ce petit bourg au charme discret. Sur le port, les façades colorées des bâtiments égayent un paysage qu’on peut deviner austère lorsque le soleil ne brille pas comme ces derniers jours…mais aujourd’hui, on est encore gâtés par une météo de rêve. Je profite de cette journée à terre pour acheter quelques souvenirs, et refaire le plein de vivres périssables pour le bateau. Louis est aux anges dans la maison de nos amis et leur jardin, son terrain de jeu devenant soudainement bien plus étendu…et pourvu de deux chiens qu’il ne se lasse pas de poursuivre à tout va. Le lendemain, nous nous levons tôt pour nous rendre au Quiraing où nos amis veulent nous faire une séance de shooting photo en famille, de quoi garder un souvenir mémorable de notre passage en Ecosse. Malheureusement il fait trop beau (sic !), et les photographes préfèrent reporter la session au soir en espérant que la lumière soit meilleure, car là, il y a trop de soleil, un comble pour ce pays réputé pour sa météo changeante et généralement peu clémente. Qu’à cela ne tienne, nous profitons tout de même de l’occasion pour faire une jolie randonnée avant que les autres visiteurs ne débarquent, et en prenons plein la vue. Nos amis se sont spécialisés dans la photographie de mariage « Elopement », et nous sommes dans une des sites où ils amènent leurs clients pour immortaliser l’évènement. Pour ceux qui ne connaissent pas l’ « elopement », il s’agit d’un mariage intimiste, soit juste à deux en amoureux, soit en tout petit comité (10 personnes maxi), souvent réalisé à l’étranger, c’est une pratique assez courante aux États-Unis notamment. Je mettrais un lien vers leur site à la fin du blog pour ceux que ça intéresse ! De retour à la maison, on se régale d’un excellent petit déjeuner à l’anglaise préparé par notre ami qui est par ailleurs cuisinier de formation et fait donc cela dans les règles de l’art. En fin de journée, le soleil s’étant enfin un peu effacé derrière des nuages, nous enfilons nos plus beaux habits (ou presque) et partons sur un site appelé Fairy Glen. Comme son nom l’indique, cette vallée semble tout droit sortie d’un comte de fées, et nos amis se régalent à nous tirer le portrait dans ce décor féérique. Le côté moins féérique, c’est qu’on se fait littéralement dévorer par les midges…et mêmes les tiques encore un fois pour moi. Pour terminer ce weekend entre copains, nous embarquons le lendemain tous les 5 sur Beaufoy pour aller découvrir la grande île des Ascribs où nous avions passé une nuit avant de venir ici. Cette dernière est pourvue d’une maison imposante d’abord assez austère vu de loin. Plus on se rapproche, plus elle prend l’apparence de la parfaite maison hantée. D’ailleurs, personne n’y habite à temps plein. Les fenêtres sont toutes murées à l’aide d’une plaque de contreplaqué sauf une, derrière laquelle a été pendu un squelette d’oiseau. Sur un îlot tout proche nichent plusieurs centaines de sternes dont les cris stridents font office de comité d’accueil. De quoi mettre dans l’ambiance ! Ce n’est d’ailleurs pas fini, puisqu’en passant derrière la maison, on tombe sur une imposante sculpture en bronze…d’un loup ! Les fougères et autres arbustes empêchent de pénétrer très avant dans l’île, mais nous apprécions de pouvoir faire quelques pas le long de la grève et savourons ce moment entre amis dans un lieu insolite, qui serait un cadre idéal pour un bon polar. En fin d’après-midi, nous ramenons nos amis chez eux avant de remettre les voiles pour progresser vers notre prochaine destination, l’île de Eigg. Le vent, comme souvent depuis le début de notre voyage, se fait un peu désirer. Aussi, afin de ne pas brûler bêtement du gasoil, nous prenons notre temps et faisons deux escales en route. Une sur Skye le dimanche soir, puis une au Nord de la petite île de Soay le lundi. On se pique même d’envoyer le spi asymétrique pour la première fois, et sommes très satisfaits de ses performances…mais au moment de l’affaler (descendre la voile pour ceux qui ne connaissent pas le jargon), nous constatons que la drisse est bloquée. Heureusement, le vent a bien molli, et Dion peut monter dans le mât pour la débloquer, et on s’en tire sans plus de péripéties. Mardi en fin de matinée, nous arrivons à Eigg. Nous venons y rencontrer une amie de longue date de Dion, qui s’est établie ici il y a 12 ans, et y garde son voilier, un dériveur intégral de 15 mètres appelé Selkie. Elle nous retrouve pour déjeuner, mais doit partir avec son bateau l’après-midi pour un rendez-vous médical sur le « continent ». A la marée haute, nous amenons Beaufoy tout près du mouillage de Selkie, et allons tester l’échouage pour la première fois. Nous ne sommes pas peu fiers le soir de pouvoir admirer pour la première fois notre bateau posé sur une plage, un des critères pour lesquels nous l’avions choisi. Eigg est une île particulièrement singulière, qui malgré sa petite taille (environ 30 km2) et sa population d’à peine une centaine d’habitants, brille d’une belle particularité : celle d’être parvenue à être entièrement autosuffisante en matière d’énergie, qui plus est entièrement renouvelables. Et tout ça principalement grâce au désir des habitants de posséder leur île et ainsi de ne plus subir l’abandon de leur gouvernement. Après un premier échec en 1995, la soixantaine de résidents, rassemblée sous le nom de Isle of Eigg Heritage Trust, parvient à racheter les terres en 1997. Le début d’une belle histoire, car depuis l’île souffre moins de l’érosion qui était en partie dûe aux pâturages non contrôlés. Elle possède également plus de forêts, et celles qui éxistaient ont été agrandies. Mais la réussite la plus probante d’Eigg reste sa conversion à une énergie entièrement renouvelable et autosuffisante, qui permet aujourd’hui aux habitants de ne plus dépendre des matières fossiles. Grâce à quatre éoliennes, deux barrages hydroélectriques et de nombreux panneaux solaires, Eigg est capable de s’autoalimenter en matière d’énergie. La communauté d’Eigg, car c’est ainsi qu’ils se définissent, s’est mobilisée ces dernières années pour se doter d’une école, d’un bureau de poste et de petits commerces : une façon à la fois de créer ses propres emplois et des services utiles à tous. L’île vit principalement du tourisme, de l’agriculture, des services publics et des industries du bâtiment et de l’artisanat. Sur place, les voitures sont rares et réservées aux habitants. Il éxiste des locations de vélos afin que les visiteurs puissent se déplacer facilement – l’écologie est toujours au cœur des initiatives. Il existe plusieurs chambres d’hôtes, cabanes ou auberges pour se loger, et plein d’endroits où planter sa tente, un excellent moyen de découvrir l’âme de l’île, à travers ceux qui la font vivre. Ici, chacun fait sa part : on économise l’eau, l’électricité, on plante ses légumes, on partage avec ses voisins, on connaît tous les enfants des environs. Les locaux veulent faire passer le message qu’un autre mode de vie est possible, en harmonie avec ses voisins, et en faisant moins de mal à la planète. C’est encourageant de voir cela, et inspirant de sentir autant de gens pleins de bonne volonté et de voir ce qu’ils ont accompli en moins de trente ans ! Le lendemain de notre arrivée, nous partons explorer les grottes situées sur la côte Sud, dont la célèbre Massacre cave, qui fut le théâtre d’une tragédie en 1577, lorsque des membres du clan McLeods de Skye tuèrent 395 habitants de l’île (soit quasiment toute la population de l’époque) qui s’y étaient cachés pendant 3 jours en faisant un feu énorme à l’entrée de la grotte, laissant la fumée intoxiquer ses occupants. L’histoire dit que les Macdonalds de Eigg eurent leur revanche plus tard sur Skye à Trumpan Church. Le jeudi, notre amie est de retour et nous fait découvrir un peu plus de cette magnifique île et son petit terrain à elle, située sur la côte Ouest avec une vue grandiose sur l’île voisine de Rhum. Un certain esprit hippie flotte dans l’air et on rencontre avec elle pas mal de monde. Avec seulement 100 habitants, inutile de dire que tout le monde se connait. Le soir, nous sommes invités pour l’apéro chez une Française installée là, qui nous régale avec un tartare d’algues et du Prosecco en profitant du soleil dans son magnifique jardin. On ne repartira que samedi matin très tôt, après une parenthèse bienfaisante sur cette île atypique au charme fou, où nous aurons connu les pires chaleurs jusqu’ici…avec des températures à l’intérieur du bateau dépassant parfois les 35 degrés…et les nuits à plus de 26 degrés dans la cabine. Inutile de préciser qu’on n’avait pas vraiment prévu ça en venant en écosse ! On en est même venus à se baigner malgré l’eau à 10 degrés et les méduses qui y foisonnent, et à donner un bain à Louis sur le pont… Nous mettons cette fois le cap sur la côte Sud de Skye, plus précisément Loch Scavaig. Au fond de ce fjord, on mouille littéralement au pied des Cuillins, célèbres montagnes qui bordent la côte Sud de Skye. Nous arrivons vers midi, et prenons le temps de déjeuner tranquillement tandis qu’un paquebot finit de récupérer les passagers qu’il a débarqué à terre pour la matinée. De petites vedettes à passager viennent également régulièrement déposer ou réembarquer des petits groupes de touristes. Le ton est donné, le lieu est ultra touristique, mais vu la beauté du cadre, on peut comprendre pourquoi ! Alors que nous terminons de déjeuner, la pluie se met à tomber drument et nous décidons donc de rester sagement au sec à bord de notre fier navire. Vers 18 heures, les touristes sont tous rentrés sur leurs vedettes, et nous débarquons enfin pour faire une courte randonnée et profiter du cadre pittoresque. Le chemin nous mène rapidement à un grand lac entouré de toute parts de montagnes aux arrêtes acérées. Nous rencontrons à terre des Américains venant d’un des voiliers mouillés dans la crique avec nous, qui aiment tellement les Hébrides qu’ils y ont laissé leur voilier et y passent tous les étés depuis 10 ans ! Le ciel est chargé de nuages mais cela donne une atmosphère encore plus belle au lieu. Après tant de soleil, on apprécie de ciel voilé, qui renforce l’austérité de ce paysage montagneux. Au retour, nous croisons trois cerfs qui ajoutent une touche de pureté au tableau déjà grandiose, mais nous ne trainons pas, car les midges arrivent, et on a déjà suffisamment de piqures comme ça ! C’est déjà dimanche…journée spéciale, car c’est la première fête des pères pour Dion. Louis étant encore un peu petit pour faire lui-même un cadeau, j’ai anticipé et acheté une jolie bouteille de whiskey (écossais bien sûr !), que notre petit bébé offre à son papa au petit matin à son plus grand étonnement – il ne savait pas que c’était la fête des pères ! Aujourd’hui, nous avons prévu de rendre visite à une autre amie qui se lance dans l’élevage de moules au Sud de Skye, et est installée non loin de Tarskavaig point. Avant de la retrouver pour le diner du soir, nous explorons un peu le loch Eishort. Nous mouillons dans un petit coin sauvage, déjeunons et allons flâner sur la plage après un tour au pied d’une jolie petite cascade. En fin d’après-midi, on retrouve notre amie et son homme et découvrons leur nouveau terrain. C’est assez génial de retrouver ici plein d’amis qui nous sont chers et que nous avons connus dans d’autres lieux dans d’autres circonstances, et le plaisir n’en est que décuplé. Louis semble adorer lui aussi découvrir de nouvelles têtes, de nouveaux lieux…et surtout qu’ici il y a aussi un chien très joueur ! Nous rentrons à bord vers 21h30, un poil tard pour coucher notre petit bonhomme, mais pile-poile bien pour admirer le soleil couchant sur les Cuillins. Au réveil, la pluie est de la partie, et va rester bien installée une bonne partie de la journée. Nous faisons route au Sud Est et arrivons vers midi à notre position actuelle, où nous devons retrouver demain deux amis. Le mouillage est très joli, avec au Nord un petit archipel d’îlots très bas, et côté terre des vallées boisées. En fin d’après-midi, la pluie cesse et nous allons nous dégourdir les jambes pour la première fois sur le « Mainland », ou l’Ecosse à proprement parler si on veut, puisque jusqu’ici, nous n’avions débarqué que sur des îles ! Je vous laisse donc ici, et vous retrouve dans quelques jours je ne sais trop où, le programme étant incertain, et défini au jour le jour en fonction de la météo. Bonne semaine à tous ! PS : pour ceux que ça intéresse, allez donc jeter un œil au site web de nos amis photographes sur https://oliandsteph.com et n’hésitez pas à partager si vous avez un couple d’amis à la recherche de photographes pour un projet de mariage atypique !
- Saint Kilda
Jeudi 8 Juin 2023 Position : 57°43’ N 6°49’W Bonjour à tous ! Une fois n’est pas coutume, les carnets de bords se succèdent rapidement. J’avais bien pensé à les rassembler en un unique épisode, mais je me suis dit que non, St Kilda est un archipel tellement particulier qu’il méritait bien un post à lui tout seul ! Situé à 64km à l’Ouest Nord Ouest de l’île de North Uist, l’archipel comprend les îles les plus à l’ouest des Hébrides Extérieures, et à tous points de vue, il est simplement fascinant. L’île principale, Hirta, dont la population ne fut jamais supérieure à 180 habitants fut entièrement évacuée à sa demande en 1930 et les seuls habitants sont désormais les gardiens l’été ainsi que quelques scientifiques, et du personnel qui s’occupe de la station radar installée par les militaires. La totalité de l'archipel est la propriété du National Trust for Scotland et le site classé de Saint-Kilda, s'étendant sur 225 km2 en comptant la partie maritime, est l'un des quatre sites écossais classés au patrimoine mondial par l'UNESCO. Les îles sont une zone de reproduction pour de nombreuses espèces d'oiseaux marins dont les fous de Bassan (deuxième plus importante colonie mondiale), les pétrels, les macareux moines ( plus grande colonie du Royaume Uni) et les océanites cul-blancs. Saint-Kilda possède également des sous-espèces spécifiques de troglodyte mignon et de mulot et deux races de moutons. Des groupes de volontaires travaillent sur les îles pendant l'été pour restaurer les nombreux bâtiments en ruines que les habitants ont laissés derrière eux. Nous arrivons au mouillage en fin de journée le Mardi, peu de temps avant un autre voilier un peu plus grand que nous. Au matin du lendemain, nous sommes rejoints par un grand voilier école de 24mètres, et une petite vedette à moteur. Nous débarquons vers 9h30, juste avant l’arrivée des premières vedettes amenant des touristes pour la journée depuis les Hébrides ou Skye. Hirta est célèbre pour son village habité jusqu’en 1930, mais surtout pour ses innombrables petites constructions en pierre sèche baptisées cleitean en gaëlique écossais et cleits en anglais. Étant implantés en terrain pentu, les cleitean sont généralement disposés dans le sens de la plus grande pente, avec leur façade plane regardant l’amont et leur arrière arrondi tourné vers l’aval. Pour résister à la poussée au vide, le côté tourné vers l’aval est bâti en forme d’abside au fruit très marqué. L’entrée est une ouverture basse, aux piédroits convergeant l’un vers l’autre. Généralement formés de grandes dalles ou de blocs allongés, les piédroits sont coiffés d’une grosse dalle formant linteau. L'entrée était provisoirement murée par une demi-douzaine de grosses pierres empilées les unes sur les autres ; seuls les cleitean les mieux construits avaient une porte en bois. Les blocs de granit sont disposés et agencés avec soin, mais leur forme irrégulière rend difficile tout assisage. Les blocs les plus gros sont employés dans la partie inférieure, les pierres les plus petites dans la partie supérieure. L’étanchéité est obtenue grâce à une épaisse couche de terre, en forme de lentille bombée, déposée sur le plafond de dalles et recouverte de mottes de gazon. L’absence de mortier, jointe à la forme des pierres, expliquent pourquoi ces maçonneries laissent passer l’air et le vent mais non pas la pluie. Mais cette caractéristique conditionne la fonction des bâtiments, celle de séchoir polyvalent. Comme les habitants de Hirta étaient agriculteurs et éleveurs de moutons mais surtout exploitaient les oiseaux de mer et leurs œufs sur les îles environnantes, les cleitean, au nombre de 1 300 sur Hirta et de 170 sur les autres îles, jouaient un rôle fondamental dans la conservation de ces diverses ressources. Utilisés comme resserres universelles jusqu'en 1930, date du départ des derniers insulaires, les cleitean abritaient la tourbe (400 cleitean dans les années 1830), les filets de pêche, les pièges, les cordes d'escalade, les céréales (blé, orge, avoine), les pommes de terre (au xixe siècle), la viande de mouton salée, le poisson fumé, les carcasses salées d'oiseau de mer, les œufs mis dans la cendre de tourbe, les plumes d'oiseaux, le fumier, le foin, et les agneaux en hiver. Même sur Boreray, l’autre île de taille conséquente de l’archipel, on trouve un certain nombre de cleits qui étaient utilisés régulièrement pendant les expéditions de chasse aux oiseaux. Il faut bien se rappeler que la principale source de nourriture venait des oiseaux, en particulier les fous de Bassan et les fulmars ; on ramassait les œufs et les jeunes oiseaux pour les consommer frais ou traités. Les macareux adultes étaient attrapés en utilisant des cannes à pêche. Cette particularité de l'île avait un prix : lorsque Henry Brougham visita l'archipel en 1799, il écrivit que « l'air était infecté par une puanteur presque insupportable -un mélange de poisson pourri, crasses de toutes sortes et d'oiseaux puants ». Après une belle balade dans les ruines du village, nous montons au sommet (430 mètres seulement !) pour admirer la vue, avant de redescendre pique-niquer au milieu des cleits, sous un soleil de plomb qui semble ne plus vouloir nous quitter décidément. Un rapide tour à l’église et dans la petite boutique de souvenirs adjacente, et nous allons retrouver un ami de Dion qui se trouve être en mission sur l’île en ce moment…le monde est petit, et cette rencontre improbable totalement surréaliste ! Il est logé le temps de sa mission dans l’ancienne « feather house », c’est-à-dire le lieu où étaient stockées les plumes dans le temps, avant d’être revendues. En fin d’après-midi, nous rejoignons le bateau et partons admirer les colonies d’oiseaux. Nous longeons tout d’abord l’île de Dun, qui est toute proche de Hirta, et abrite l’une des plus grandes colonies de macareux de l’île. Ces drôles de petits oiseaux sont vraiment adorables et je ne me lasse pas de les observer. Leurs petits corps ronds, leurs queues courtes et leurs grosses têtes leur confèrent une silhouette particulière un tant soit peu comique. Leurs courtes ailes leur permettent un vol bas mais puissant. L’œil est cerclé de rouge et souligné par un fin sourcil noir prolongé en arrière, comme s’ils étaient maquillés. Le bec est la partie la plus remarquable, légèrement crochu, il est triangulaire et massif. Pendant la saison des amours (en ce moment donc !) le bec est particulièrement joli car il s’orne de couches cornées de couleurs vives. On y trouve du rouge, du bleu foncé et du jaune. Cet oiseau peu farouche et curieux vole plutôt mal, mais s’avère être un excellent nageur. Sa couche de graisse épaisse fait de lui un excellent pêcheur capable d’attraper des poissons jusqu’à 15 mètres de profondeur. Nous poursuivons notre découverte en envoyant la grand-voile le temps de rejoindre Boreray. Cette île semble tout droit sortie d’un roman de science-fiction. Inhabitée, l’île se dresse devant nous avec ses pointes acérées à près de 400mètres d’altitude, ses pentes verdoyantes et ses falaises vertigineuses. Les oiseaux sont partout où ils peuvent établir un nid, sur l’eau, dans le ciel. C’est un paradis pour ornithologistes, je me régale à les observer, Louis confortablement perché sur mon dos dans le porte bébé, et j’essaye tant bien que mal de saisir la beauté de la scène avec mon appareil photo. Et puis il y a le son, ceux qui se sont déjà approché d’une grande colonie d’oiseaux peuvent peut-être imaginer, mais je ne peux décrire la scène sans parler du fond sonore, que je ne peux malheureusement pas capturer mais qui donne encore plus de profondeur au spectacle, car c’est bien de cela qu’il s’agit. L’air est empreint du chant de centaines de milliers d’oiseaux, tous un peu différents, et on se demande comment dans cette cacophonie ils arrivent à communiquer…puis on se dit qu’ils pensent peut-être la même chose de nous ! Les habitants de St Kilda se rendaient sur Boreray pour chasser des oiseaux et ramasser des œufs, et y ont même construits des cleits comme mentionné précedemment. D’ailleurs, on sent que les oiseaux restent très méfiants de l’homme, même en bateau on ne peut s’approcher trop près au risque de les voir s’envoler. Nous sommes surpris aussi d’y observer beaucoup de moutons, dont certains arrivent à accéder à des endroits où je ne pense pas que j’aurais le courage d’aller moi-même ! On estime à environ un million de l’ombre d’oiseaux de mer qui nichent ici et sur les deux stacks adjascents (Stac Lee et Stac an Armin), grands pitons rocheux qui adjoignent l’île. Aujourd’hui, le temps est superbe et on en prend plein la vue, mais on imagine aisément comment ce paysage peut prendre une autre allure un jour de tempête. L’île est complètement exposée à la furie de l’atlantique Nord, tout comme les autres îles de l’archipel, et cela force le respect de penser aux anciens habitants, et aux sacrifices consentis pour pouvoir vivre dans ce lieu si reculé. Nous prenons notre temps pour faire le tour de l’île, en contournant aussi les deux grandioses stacks, admirant le vol du fou de Bassan. Ces grands oiseaux de mer au corps blanc ont le bout des ailes noir et la tête d’un jaune pâle. Ce sont d’excellents planeurs et ils peuvent parcourir jusqu’à 200km pour aller pêcher. Il repère les bancs de poisson en vol et plonge en piqué pour aller les attrapé, parfois d’une hauteur de 30 mètres ! En approche finale, il adopte une posture hydrodynamique typique (à l’image du concorde dont se seraient inspirés les ingénieurs de l’avion !) qui lui permet d’entrer dans l’eau à une vitesse de plus de 100km/h. Le nom de fou leur aurait été attribué parce qu’ils engloutissent leurs proies sous l’eau, ce qui laissait à penser qu’ils plongeaient comme des fous pour rien… Vers 19h30, émerveillés par cette expérience hors du commun, nous démarrons notre navigation vers l‘Est, profitant de la brise toujours étable pour rallier South Harris où nous arrivons au petit matin. Après une petite nuit pour Dion, nous faisons un rapide saut à terre puis repartons en direction de Skye. Rapidement, nous devons redémarrer le moteur faute de vent, et je finis même par sortir bronzer un peu sur le pont en bikini. On ne s’attendait vraiment pas à ça en venant en Ecosse, mais ma foi, je profite ! Vers 18h, nous arrivons aux îles Ascrib où nous décidons de mouiller pour la nuit, car c’est encore une fois un lieu de nidification de macareux. Demain, nous partirons mouiller au fond de Loch Snizort où habitent des amis à nous, que nous allons rejoindre pour le week-end. Je vous retrouve donc d’ici quelques jours pour vous raconter notre première découverte de l’île de Skye. D’ici là, portez-vous bien !
- Découverte des Hébrides: Mull et Ulva
Mardi 6 Juin 2023 Position 57°01’N 7°19’W Au mouillage entre Gighay & Hellisay Bonjour à tous, Je publie ce carnet de bord avec un peu de retard, la faute à un manque de connexion Internet ces derniers jours. Nous nous étions quittés la semaine passée alors que nous prenions une journée de repos à bord, tout en fêtant tranquillement en famille les 9 mois de notre petit moussaillon. Pour démarrer le mois de Juin, nous n’avons rien trouvé de mieux que de nous associer à notre ami Skip et sa fille pour aller gravir notre premier « Munro ». Ce terme (qui fait référence à Hugh Thomas Munro, alpiniste Ecossais) désigne en Ecosse tous les sommets de plus de 3000 pieds, soit 914m, qui sont au nombre de 282, et que certains s’amusent à collectionner en quelque sorte. Leur quête est appelée « Munro bagging », et si c’est plus facile que de gravir les fameux 7 sommets (plus haut sommet sur chaque continent), il n’en faut pas moins une certaine persévérance pour pouvoir devenir un « Monroist ». Dans notre cas, il s’agit de l’ascension de Ben More, 966m, et le plus haut sommet de l’île de Mull dans les Hébrides intérieures. Et on part du niveau de la mer, donc ça fait tout de même un joli petit dénivelé ! Vers 9h30, nous démarrons la randonnée, Louis confortablement installé dans le porte bébé sur mon dos. Dès le début, nous rencontrons un terrain difficile, très humide, mou, et plein de trous. L’ascension est rapidement assez raide, et le terrain difficile nous rappelle rapidement combien nous sommes loin de notre condition physique habituelle. Une fois arrivés au premier col, nous nous hydratons largement avant d’attaquer l’ascension finale qui se fait dans un pierrier sur une pente bien raide. Je précise qu’ici il n’y a pas de sentier de randonnée, et que, comme souvent lorsqu’on randonne avec notre ami Skip, nous avons choisi la route difficile, qui permet de partir directement de la maison de chez nos amis. En un peu plus de 2h30, nous atteignons finalement le sommet, espérant trouver enfin un peu de répit car depuis le début, on ne peut s’arrêter sans risquer de se faire dévorer par les « midges », petits moucherons bien connus en écosse qui s’apparentent un peu à des moustiques et dont les piqures grattent énormément. Malheureusement, même au sommet, les midges ne nous laissent pas en paix, et c’est quelques mètres plus bas, sur une arrête que nous arrivons à nous poser quelques minutes, le temps de grignoter un petit casse-croûte et changer la couche du bébé avant d’attaquer la descente. Pour couronner le tout, le sommet est pris dans un nuage, donc on ne peut qu’imaginer la vue à défaut d’en profiter. Le genre de moment où on se demande ce qui nous a pris de faire tant d’efforts pour si peu de récompense… Rapidement donc, nous rebroussons chemin, et la descente s’avère encore plus difficile que la montée. Mes genoux souffrent tellement qu’à un moment, je me demande si je vais réussir à rallier la maison. Finalement, on aura mis presque plus de temps à descendre qu’à monter, et vers 15h, nous enlevons avec plaisir nos chaussures et mes camarades se déshabillent pour se baigner dans un petit trou d’eau adjacent à la maison, tandis que moi, à défaut de maillot de bain, je les regarde avant d’aller prendre une bonne douche bien chaude. Après avoir récupéré un peu, nous rejoignons le bateau à temps pour le gouter de Louis, puis sa sieste, le faisons dîner vers 19h puis repartons à la maison une dernière fois pour aller dire au revoir à tout le monde, et trinquer à la santé de notre ami Skip dont c’est l’anniversaire aujourd’hui. A 21h30, ivres de fatigue, nous retrouvons notre maison flottante et nous écroulons rapidement dans notre cabine. C’est en fin de matinée le lendemain que nous mettons les voiles, après avoir accueilli Skip et sa famille pour un café à bord et une visite du bateau. Le vent, pour ne pas trop nous perturber, est encore de face, et nous remontons donc le fjord en tirant des bords, et, surprise surprise, une fois sortis, le vent tourne toujours avec nous (ou plutôt contre devrais-je dire), et on continue donc à faire du près. On aura finalement tiré 14 bords pour rejoindre notre nouveau mouillage, dans Cragaig Bay, sur l’île de Ulva. Plutôt que de s’installer là où est indiqué le mouillage sur la carte, nous slalomons un peu entre les hauts fonds pour nous poser dans un endroit où on sera très probablement seuls. La marée est haute mais l’eau est très claire et on voit bien le fond. On mouille sur un fond de sable blanc, l’eau est presque turquoise. Nous débarquons Louis et moi tandis que Dion enfile sa combinaison et part à la recherche de coquilles St Jacques. Il revient une heure plus tard, avec seulement 3 coquilles, mais aussi un crabe et une petite sole, de quoi se régaler ce soir ! Louis s’amuse comme un fou à faire du quatre pattes dans l’herbe rase, et moi je suis ravie aussi de découvrir un nouveau lieu. Nous décidons de profiter de ce petit coin de paradis pour quelques jours. L’île d’Ulva a été rachetée en 2018 par 5 de ses 6 habitants. Il n’y a pas de routes goudronnées sur l’île, ni de voitures. Les quelques habitants se déplacent en quad. La côte Sud où nous sommes mouillés est très sauvage, les seuls vestiges du passé sont un petit cimetière, une ruine de maison, et une maisonnette abandonnée. De l’autre côté de l’île se trouvent les ruines du village, témoignant du temps où l’île abritait plus de 600 personnes. Aujourd’hui, environ 5000 touristes visitent l’île chaque année, l’infrastructure sur place étant très limitée. Il y a un petit restaurant, et la possibilité de louer une maison pour dormir. C’est surtout un paradis pour les campeurs, avec moultes possibilités de randonnée. Une manière populaire de visiter l’île est de traverser en kayak, planter sa tente, et explorer les alentours. A cette saison, les fleurs sauvages apportent une touche colorée qui donnent à l’île un charme fou. Orchidées, jacinthes des bois, œillets sont autant de taches de couleur dans cet univers verdoyant dominé par les fougères. Côté faune, on trouve comme partout ici des moutons, des vaches, mais aussi des cerfs. Ces derniers se font discrets, mais en cherchant bien on les aperçoit, perchés sur la crête de la colline qui domine l’île. Il y a aussi des aigles que j’aimerais bien voir de près, mais nous n’aurons pas ce plaisir. Nous passons deux journées complètes à nous promener, plonger, savourer ce petit lieu idyllique. Dion a trouvé un coin parfait pour les St Jacques, et le dernier jour, il en ramène 30. De quoi nous régaler pour quelques jours ! Le temps est au beau fixe, j’ai ressorti l’appareil photo, Louis semble aussi heureux que nous dans ce lieu magique, bref, la vie est belle. Lundi matin, nous décidons de relever l’ancre et d’aller voir un peu plus loin tant que la météo est bonne. Notre objectif est de rallier St Kilda. Le vent est faible, mais nous avançons tout de même gentiment à la voile. Arrivés à la hauteur de l’île de Coll, nous croisons plusieurs baleines (Minke – petit rorqual), et surtout sommes rejoints par de nombreux dauphins qui nous régalent de leurs sauts et pirouettes à l’étrave. Le vent se lève et Beaufoy nous montre un peu plus son potentiel. A cette vitesse, on va arriver un peu tôt à St Kilda, et surtout, nous craignons qu’avec cette direction de vent, le mouillage n’y soit pas bon. Nous faisons donc escale dans un très joli mouillage que nous trouve Dion, entre les îles de Gighay et Hellisay aux Hébrides extérieures. Inhabitées, ces îles sont proches du Sound de Barra. On accède à ce petit havre de paix par un minuscule chenal non balisé avec littéralement des rochers à quelques mètres de chaque côté, et uniquement à marée haute. Nous sommes surpris d’y trouver un petit voilier de 6 mètres environ, tellement petit que sa minuscule annexe paraît presque grande à côté ! Après une bonne nuit de sommeil réparatrice, nous repartons de bon matin, en route vers St Kilda. Le vent est un peu plus Nord, et nous devrions pouvoir faire toute la route à la voile, au près évidemment, mais ça on commence à avoir l’habitude ! Je vous laisse donc ici et vous envoie très vite le prochain carnet de bord, en vous laissant savourer j’espère les photos de ces derniers jours !
- De l'Irlande à l'Ecosse
Mercredi 31 Mai 2023 Position : 56°23’N et 6°00’W Au mouillage à Loch Beg, Ile de Mull, Ecosse Dix jours que je n’ai pas donné de nouvelles…on s’était quitté à Derrynane harbour en Irlande, et nous nous retrouvons donc aujourd’hui en Ecosse. Les jours semblent défiler à toute vitesse, entre découvertes, navigations, rencontres, on ne voit pas le temps passer ! On a donc troqué l’Irlande pour l’Ecosse, sans pour autant se départir du beau temps. Une rapide escale à Dingle nous a permis de prendre une douche bien méritée, de refaire le plein d’eau et évidemment d’aller savourer une bonne pinte au pub. On aurait peut-être dû rester pour un petit « Fish and chips » aussi, mais n’ayant rien prévu pour Louis ce soir-là, on a préféré rentrer nourrir notre progéniture en remettant cela à plus tard. Le lendemain de notre arrivée, notre ami Franck qui nous accompagnait depuis Brest est parti aux aurores attraper un train, puis un ferry pour la France, et nous avons remis les voiles dans la foulée. Le vent était toujours de face, donc nous avons tiré de longs bords pendant un peu plus de 24 heures pour rejoindre la petite île d’Inishbofin dans le comté de Galway. Cette petite île pleine de charme compte environ 200 habitants, et sans doute au moins dix fois plus de moutons et de vaches, est située à 8 km au large de la côte du Connemara. D’une superficie de 16 kilomètres carrés, on peut aisément l’explorer à pied ou à vélo, et profiter des superbes paysages en toute tranquillité. Le soir de notre arrivée, des pêcheurs locaux revenant d’une sortie avec des touristes nous accostent et nous offrent un beau poisson qu’ils ont en surplus, et nous nous régalons de délicieux filets le soir même. C’est aussi la première fois que Louis mange du poisson frais, et il semple bien apprécier. Le lendemain, nous passons une belle journée ensoleillée à flâner dans ce petit coin de paradis, de quoi se dégourdir les jambes et reprendre des forces avant de remettre les voiles vers l’Ecosse, où nous avons prévu de retrouver des amis sur l’île de Mull. Pour ne pas déroger à la règle depuis notre départ de Brest, le vent est, comme à son habitude, pile dans notre nez et faible…ce qui signifie que nous devons une nouvelle fois tirer des bords pour rejoindre notre destination. Pour ceux qui ne sont pas marins, cela signifie pour résumer qu’on fait à peu près deux fois la route directe, car un voilier ne peut pas remonter face au vent. Un vieux dicton marin dit que « au près, c’est deux fois la route, trois fois le temps et quatre fois la peine ». Bon, niveau route et temps c’est certain, en revanche, on ne peut pas dire qu’on ait eu trop de peine à rallier l’Ecosse, car le près dans le « petit temps » (traduire vent faible pour ceux qui ne sont pas habitués au jargon marin !) ce n’est pas trop inconfortable. Le bateau gite un peu, ce qui complique un peu la vie, mais au moins on ne tape pas dans les vagues. Louis s’accommode fort bien de sa nouvelle situation, et imperturbable, continue de nous émerveiller en s’épanouissant à bord. Il adore jouer dans la cabine, regarder la mer par le hublot, attraper ses peluches, jouer avec son étoile musicale. Dans la timonerie, on lui a créé un genre de parc avec des filets à chaque extrémité. Il se tient debout sans problème et se déplace en se tenant au filet ou aux bords des banquettes, même quand le bateau gîte. Nul doute qu’il va avoir un excellent sens de l’équilibre en grandissant, et d’ailleurs, on commence à craindre qu’il arrive à marcher seul très bientôt…et surtout qu’il apprenne à monter tout seul sur les banquettes ! Enfin, toujours est-il qu’après 3 jours et deux nuits de mer, nous avons embouqué le très joli Sound de Iona avant-hier autour de midi. Nous avons jeté l’ancre en face de Fionnphort le temps de déjeuner, mais surtout de faire les formalités d’entrée au Royaume-Uni, puis avons levé l’ancre pour rejoindre notre mouillage actuel situé dans un petit loch du nom de Loch Beg, au fond de Loch Scridain, sur l’île de Mull. Pour la première fois depuis longtemps, on a pu enfin ouvrir un peu les voiles et laisser le bateau filer à plus de 8kn dans une jolie brise au vent de travers, le tout sous un soleil de plomb, en admirant les falaises de basalte bordant le côté nord du loch. Une fois mouillés, nos amis sont venus nous accueillir sur la plage, et nous ont invité pour un excellent diner, une douche (toujours un plaisir pour les marins que nous sommes) et une bonne nuit à terre. Le matin, après un petit déjeuner à l’anglaise (œufs brouillés, bacon et épinards), nous embarquons à bord du semi rigide de nos amis pour une journée découverte des environs, et quelle journée ! On commence par relever les casiers qu’ils ont disposé un peu partout dans le loch…pour n’y trouver qu’un seul homard. Étant 8 adultes avec pour projet de les griller au barbecue sur la plage à midi, on se dit que ça va être un peu juste…mais c’est mieux que rien, et on a tout de même prévu autre chose au cas où ! Une fois la déception passée donc, plein gaz direction l’île de Staffa. Là, on découvre une grotte avec de magnifiques « orgues » de basalte appelée « Fingal’s cave ». La météo est de la partie, et nous sommes loin d’être les seuls à visiter le lieu, mais nous, avec notre semi rigide, on peut carrément rentrer le bateau dans la grotte – j’en ai même quelques scrupules en me disant qu’on doit bien gâcher les photos de tous les touristes venus admirer cette merveille de la nature. Nos hôtes allument leur enceinte et envoient la musique classique, c’est de toute beauté. En repartant, nous repérons un petit bateau de pêche et les accostons pour leur acheter des homards et des crabes, une affaire rondement menée puisque quelques minutes plus tard, nous repartons lestés de quatre beaux homards et autant de crabes. Notre skipper remet les gaz et nous voici partis à fond les manettes direction l’île de Lunga. Cette fois ce n’est pas l’aspect géologique qu’on vient admirer, mais plutôt la faune. Lunga est en effet un lieu de nidification pour de nombreuses espèces d’oiseaux, et notamment les très emblématiques macareux. J’embarque mon appareil photo qui n’est quasiment pas sorti de son sac depuis la naissance de Louis et me régale à tirer le portrait de ces adorables petits oiseaux au bec multicolore qui préparent leurs nids, mon petit ange confortablement installé dans le porte bébé sur mon dos. C’est le début de la saison et apparemment les macareux ne sont pas encore très nombreux, mais déjà il y en a des centaines. Le spectacle est d’autant plus grandiose que c’est le printemps, et les pentes sont tapissées de fleurs multicolores, du jaune, du bleu, du rose, la palette est au complet. On en prend littéralement plein la vue, et c’est vraiment le genre de moments qui nous rappellent pourquoi on entreprend de voyager comme on le fait. Je suis dans mon élément, près des oiseaux, en pleine nature, au soleil, que demander de plus ? Une courte marche sur un sentier escarpé nous mène à un point de vue magnifique sur la colonie de guillemots, une invitation à s’assoir quelques minutes, regarder, écouter, et apprécier le spectacle inégalable que nous offre toujours dame nature. De retour à bord de notre embarcation du jour, on a à peine le temps de se remettre de nos émotions que déjà se dessine à l’horizon notre prochaine destination, l’île de Gunna. C’est une île privée, qui appartient à un ami des amis qui nous hébergent, et qui nous accueille sur une superbe plage de sable blanc bordée d’eau couleur turquoise. Vu le temps qu’il fait, on se croirait littéralement aux Caraïbes, il ne manque que les cocotiers. A peine débarqués, tout le monde s’affaire à préparer le festin, pendant que Dion et moi on s’occupe de changer et nourrir notre bambin, qui a été absolument adorable toute la matinée et semble ravi de pouvoir s’amuser à quatre pattes dans le sable. On notera en passant le premier changement de couche à la plage…intéressant ! Pas autant néanmoins que le festin qui nous attend, très certainement le meilleur homard que j’ai jamais mangé de toute ma vie. Bon OK, j’avoue, je n’ai pas mangé de homard très souvent…mais grillé comme ça, sur une plage paradisiaque, il a vraiment une saveur toute particulière celui-ci ! Le festin terminé, certains se baignent (elle est à 10 degrés je pense, j’ai envie d’y aller mais en même temps je peux pas, c’est trop froid – j’espère être plus courageuse dans les jours à venir), puis nous allons tous prendre un thé chez notre hôte, avant de retourner chez nos amis ici à Loch Beg. Au total, on aura parcouru plus de 60milles nautiques. Avec notre bateau, cela nous aurait pris plusieurs jours de faire cela (mise en route, mouillages, etc). On vient de vivre une expérience plutôt surréaliste, et sommes extrêmement reconnaissants à nos amis pour cette journée de rêve, qui se clôt par un diner de rois avec huitres, St Jacques, Champagne et tutti quanti. Avec Dion, on se dit qu’il va falloir rentrer à bord avant de prendre des habitudes, sinon, revenir aux pâtes, riz, lentilles avec de grands verres d’eau ça va nous faire tout drôle ! Aujourd’hui donc, c’est repos et bricolage à bord de Beaufoy, petite balade cet après-midi sans doute quand Louis aura fini sa sieste. Demain on ne sait pas encore, mais l’idée est de profiter encore de l’hospitalité de nos amis pour découvrir le lieu, avant de poursuivre notre voyage vers le Nord d’ici quelques jours. Je vous laisse découvrir les images de ces derniers dix jours, et vous dit à tout bientôt pour le prochain carnet de bord !
