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  • Photo du rédacteurjuliettehen6

Brésil, de Cabedelo à Ilhabella

Lundi 9 Octobre 2023

 

Position :  22°55’ S et 41°58’ W

Au large du Cabo Frio, état de Rio de Janeiro

 

Bonjour à tous !

 

Je refais surface après deux semaines de silence, avec des nouvelles fraiches du bord. Puisque je parle de fraicheur, cette dernière s’est fait sentir pour la première fois hier soir, avec bonheur figurez-vous, car depuis les Canaries, on souffre plutôt de la chaleur à bord ! Je sais que je ne devrais pas me plaindre, car dans quelques semaines le froid mordant du grand Sud se fera sentir et je regretterais sans doute la douce chaleur tropicale…

 

Nous croisons en ce moment à la hauteur du Cabo Frio, un tout petit peu au Nord Est de Rio De Janeiro. Cela fait 9 jours que nous avons quitté Cabedelo et la jolie marina de Jacaré, où nous nous apprêtions à relâcher lorsque je vous ai laissé le 22 septembre dernier.

 

Après avoir remonté la rivière de Paraíba, nous nous sommes donc amarrés confortablement à l’un des deux pontons de la marina Jacaré à Cabedelo. Cette dernière est tenue par un Français, Nicolas, le staff est brésilien et super avenant, si bien que l’on s’y sent tout de suite très bien. A terre, un très bel espace est dédié aux marins en escale, comprenant un bar/restaurant, une bibliothèque pour échanger des livres ainsi qu’un espace bureau, une buanderie, des douches et WC bien entendu, le tout organisé autour d’une grande terrasse ombragée donnant sur un joli petit jardin. A quelques mètres à l’extérieur se trouve une petite piscine en libre accès, luxe suprême pour nous avec notre petit bébé qui semble aimer autant que nous les baignades. Après deux semaines confinés à bord, on est tous heureux d’avoir un peu d’espace pour se dégourdir les jambes. Notre moussaillon se régale à explorer la terrasse à 4 pattes, émerveillé par toutes les découvertes que lui permet de faire ce nouvel environnement. Il faut dire qu’il y a de quoi émerveiller petits et grands ici entre les plantes tropicales, les immenses papillons multicolores, et les oiseaux qui vont et viennent dans un joyeux ballet ponctué de piaillements.

 

Beaucoup de Français sont stationnés ici, la plupart sont juste de retour après avoir laissé leur bateau quelques mois le temps de rendre visite à la famille au pays, et s’apprêtent à reprendre la route. On fait un peu figure d’« ovnis » dans le paysage. D’une part parce que nous ne sommes pas de jeunes retraités (sic!), mais d’autre part car nous sommes les seuls à faire route vers le Sud. On est aussi les seuls avec un jeune bébé, mais ça c’est toujours chouette car cela attire la sympathie de tous, ce qui fait qu’on fait facilement de belles rencontres. On rencontre un couple de navigateurs Luxembourgeois, ce qui est tout de même assez rare pour être mentionné, avouez que ce n’est pas un pays fort connu pour ses marins, et pour cause, la géographie ne s’y prête guère ! Cela n’a pas empêché nos nouveaux amis de descendre jusqu’au Cap Horn, et d’avoir de beaux projets de voyage encore devant l’étrave. Ces deux-là respirent la joie de vivre, et ne sont pas beaucoup plus vieux que nous, ainsi nous passons beaucoup de temps à discuter avec eux dès le soir de notre arrivée. Ils nous prêtent d’ailleurs une précieuse moustiquaire, qui permet de nous épargner au moins Louis et moi de nombreuses piqures. Dion n’est pas aussi chanceux, les moustiques qui s’infiltrent tout de même à bord semblent n’avoir de dard que pour lui !

 

A deux pas des pontons démarre le village des pêcheurs locaux. Ces derniers pêchent au filet, parfois directement depuis la plage tout près de nous. La plupart des maisons sont rassemblées dans une seule rue, elles semblent toutes conçues selon le même modèle, un seul étage, une micro-terrasse ombragée qui fait office de porche. Petites, mais souvent coquettes avec des peintures extérieures chamarrées qui invitent à sourire à la vie. Une atmosphère de bien-être et de légèreté se dégage en déambulant dans la rue, on est loin de la violence palpable que j’ai rencontrée si souvent au Brésil. Ici, je peux me promener seule avec mon fils pour aller faire quelques courses sans inquiétude. Ça parait banal dit comme ça, et ça devrait être le cas partout, malheureusement, dans ce pays ce n’est pas toujours le cas. Mais ici, on peut pleinement profiter, et nous ne nous privons pas. Entre bricoles à bord, farniente à la piscine, ou balades à la plage, les jours défilent vite et avant qu’on ait eu le temps de réaliser, l’heure du départ a de nouveau sonné. Bien que n’ayant pas de timing précis à respecter, notre objectif reste d’être de retour chez nous début novembre, afin de pouvoir profiter de l’été austral.

 

Nous remettons donc les voiles le 29 septembre, et sortons de la rivière juste à peu près pile au moment où le soleil se couche, attaquant notre première nuit de navigation côtière brésilienne…au près, pour changer (donc contre le vent pour ceux qui ne maîtrisent toujours pas le jargon nautique !).  Le vent est Sud Est, assez fort, et nous tirons un bord au large pour nous éloigner de la côte et éviter ainsi les éventuelles petites embarcations de pêche souvent peu éclairées et dures à repérer. Dion assurant les nuits seuls, mieux vaut rester prudents. L’objectif de départ est l’archipel des Abrolhos, une réserve naturelle un peu au Nord de Rio de Janeiro, qui se trouve aussi être un haut lieu de reproduction des baleines à bosse. Nous ne sommes pas sûrs de nous y arrêter, mais on aimerait passer près pour observer un peu les baleines, et en fonction de la météo aviser pour une escale éventuelle.

 

Finalement, c’est de nuit que nous arrivons à la hauteur des Abrolhos au bout d’une semaine de mer, alors nous décidons de poursuivre notre chemin, d’autant que le vent est désormais portant, et se renforce. A la nuit tombée, alors que je lis tranquillement dans ma cabine, Louis endormi contre moi, Dion endormi dans le carré, j’entends un son qui me tire de ma lecture. Au début je pense que c’est peut-être un nouveau ronflement de Dion un peu original, mais peu à peu, ce son lointain semble se rapprocher, puis se dédoubler et prend véritablement l’allure l’un chant. Vous l’aurez peut-être deviné, ce sont les baleines que j’entends chanter. Je suis comme une gosse, toute excitée mais aussi émue d’être le témoin imperceptible de tant de beauté. J’ai la chance d’avoir pu observer très souvent des baleines, et d’en avoir aussi déjà entendu, mais je suis touchée comme si c’était la première fois. C’est un moment où j’ai le sentiment profond d’être en communion avec les éléments. Tout est simple, beau, paisible. Les étoiles tapissent le ciel, le voilier glisse sans effort sur les vagues légèrement luminescentes, et un concerto semble surgir rien que pour nous des profondeurs de l’océan. Ce moment-là restera sans doute dans mon esprit comme l’un des plus beaux de ce voyage.

Le lendemain, nous nous réveillons et observons de nombreux souffles, puis des baleines à bosse qui brèchent : elles sautent et se propulsent entièrement hors de l’eau, pour notre plus grand plaisir. Parfois pas très loin du bateau, parfois à plusieurs centaines de mètres, invariablement en tout cas elles ne me laissent pas le temps d’immortaliser l’évènement, et ce n’est pas très grave. L’image qui nous restera sera celle d’un couple mère-baleineau, qui fait surface à quelques mètres sur notre tribord, comme pour nous faire un petit coucou. J’ai le temps de les montrer à Louis, et cela le fait beaucoup sourire et pousser de petits cris, ce qui vaut plus que toutes les photos du monde !

 

L’autre bonne surprise, c’est le succès de la pêche. Après une belle carangue attrapée au début de l’étape, Dion nous remonte en l’espace de deux jours deux magnifiques dorades coryphènes, et un joli thon. Voilà de quoi faire des provisions car il y a tant à manger que nous sommes contraints d’en congeler la majeure partie. Les menus sont donc revus et tournent autour du poisson, et on se régale autant de poisson cru que de poisson cuit jour après jour, sans compter les délicieux avocats brésiliens et tous les fruits exotiques que nous faisons en passant découvrir à Louis.

 

Hier soir nous sommes passés tout près de la côte, à Cabo Frio, où nous avions imaginé nous arrêter…mais encore une fois, nous arrivons trop tard et décidons de poursuivre la route vers Ilhabela, où habite le père d’une amie à qui nous allons de rendre visite. C ‘est du reste le port où nous avons annoncé nous rendre à notre départ de Cabedelo, car ici il faut toujours annoncer son plan de route avant de se déplacer. L’administration maritime en Amérique du Sud mériterait à elle seule un récit à part tant cela peut parfois être rocambolesque d’accomplir les formalités d’entrée et de sortie, et au Brésil, c’est souvent particulièrement complexe. On ne sait pas encore bien comment ça va se passer à Ilhabela, mais ayant des amis sur place, ça ne devrait pas poser trop de problèmes.

 

Ce matin, nous avons eu la visite de notre premier albatros. L’émotion que j’ai ressentie était double, car cette apparition avait plusieurs significations pour moi. D’abord, le bonheur de retrouver ces oiseaux au vol si gracieux, signe incontestable que nous commençons à nous rapprocher de chez nous. Et puis, j’ai cru voir en cet oiseau solitaire venu nous rendre visite, une amie navigatrice qui a quitté ce monde bien trop tôt il y a quelques jours, pendant notre escale à Cabedelo. Je ne suis pas superstitieuse, mais j’aime cette idée que les albatros portent l’âme des marins disparus, et cette visite de ce (cette ?) jeune albatros à sourcil noir dans des eaux où il n’est pas habituel de les croiser ne me parait pas anodine. Alors j’ai pris le temps de bien l’observer, de l’admirer, et de penser à la force et à la beauté qui se dégageaient de cet oiseau, planant sans effort autour de nous, comme pour nous encourager à poursuivre nos aventures faisant résonner les mots que notre amie nous avait envoyés par mail quelques jours avant de quitter ce monde. Et j’ai pensé à tous les beaux voyages qu’elle ferait désormais en déployant ses longues ailes et en planant majestueusement au-dessus des mers du Sud...

 

Je termine donc ce carnet de bord par une traduction d’un poème de Sarah Vial que l’on trouve inscrit sur un monument au Cap Horn, et qui me semble de circonstance.

Je reviendrais la semaine prochaine avec le récit de nos dernières aventures Brésiliennes !

D’ici là, je vous souhaite une très belle semaine !

 

« Je suis l’albatros qui t’attend 

Au bout du monde.

 Je suis l’âme en peine des marins morts 

Qui ont doublé le Cap Horn 

Depuis toutes les mers du globe. 

Mais tous n’ont pas péri 

Dans les vagues déchaînées, 

Aujourd’hui, ils volent sur mes ailes, 

Pour l’éternité, 

Dans une dernière étreinte 

Des vents antarctiques. "



 

 

 

 

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