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Photo du rédacteurjuliettehen6

Traversée de l'Atlantique

Jeudi 21 Septembre 2023

 

Position : 05°58’S et 33°55’W

 

Bonjour à tous,

 

A l’heure où j’écris ces lignes, notre transat touche à sa fin, nous ne sommes plus qu’à une petite centaine de milles de Cabedelo au Brésil, où nous avons prévu de relâcher quelques jours. Voici presque deux semaines que nous n’avons pas vu la terre, et que notre vie s’organise naturellement à bord, à notre rythme, dicté par les éléments. Deux semaines hors du temps, sans nouvelles du monde extérieur, à vivre au jour le jour.

 

Le Cap Vert a disparu dans notre sillage plutôt rapidement. Partis vendredi 8 en fin d’après-midi de Mindelo, nous avons volontairement fait route au Sud avec l’idée de s’arrêter éventuellement à Brava si la météo le permettait. Malheureusement, une forte houle rendait toute perspective de mouillage trop inconfortable, alors nous nous sommes contentés de longer de près cette très belle île avant de nous résigner à poursuivre notre route. Brava est sans doute une des îles les plus authentiques du Cap Vert, car encore épargnée du tourisme. Elle est aussi, comme Santo Antao, très verte, en raison d’un relief important. C’est un peu frustrant d’être si proche et de ne pas pouvoir s’arrêter, mais la route est encore longue jusqu’aux Falklands…

 

Peu après avoir laissé les îles du Cap Vert dans notre sillage, nous devons composer avec une météo instable et des vents très faibles. Le principal problème lorsque l’on traverse l’Atlantique en descendant vers le Brésil, c’est d’essayer d’éviter le pot au noir, connu aussi sous le nom plus scientifique de zone de convergence intertropicale. Malheureusement pour nous, il se trouve que cette zone est très étendue en ce moment, et de surcroit, nous n’avons pas de moyen de prendre des fichiers météos précis à bord donc nous allons devoir composer avec. Le fameux pot au noir se caractérise donc par des calmes, mais aussi des orages, dans lequel le vent peut subitement monter violemment, changer de direction, pour retomber comme il est venu quelques minutes plus tard. On appelle ça des grains dans notre jargon. Parfois, ce sont juste des grains de pluie, et alors nous nous déshabillons en hâte et profitons de ce cadeau tombé du ciel pour prendre une bonne douche. Il faut faire vite pour ne pas risquer de se retrouver tout recouvert de savon avant que le grain ne passe. La première fois que cela se produit c’est l’euphorie, et on en profite même pour introduire Louis à notre petite danse de la pluie. C’est du reste bien pratique pour remplir sa baignoire sans toucher aux réserves du bord, et le soleil se charge par la suite d’amener tout ça à température.

 

Hormis donc nos phases euphoriques de douches sous la pluie, le pot au noir ne nous apporte guère de joie. Il fait une chaleur épouvantable, le vent est très instable et faible ce qui fait qu’on avance péniblement, et pour couronner le tout nous sommes cernés par les sargasses. Ces algues prolifèrent depuis quelques années, et c’est la première fois que j’en rencontre à ces latitudes. Heureusement, elles ne risquent pas de s’accrocher dans la quille avec notre faible tirant d’eau, en revanche, elles se prennent parfois dans les safrans ce qui oblige Dion à les déloger à l’aide de la gaffe. Mais surtout, elles nous rendent la pêche impossible…et ça c’est désespérant, car ça reste le petit plaisir du large de pouvoir espérer chaque jour avoir du poisson frais. Alors quand on ne peut ni pêcher ni avancer, on prend notre mal en patience en faisant un petit plouf. Un petit bain de mer au milieu de l’océan, par 5000 mètres de fond, ça n’est pas donné à tout le monde. On prend donc le bonheur où on le trouve, et on savoure ces moments suspendus le regard perdu dans les profondeurs de l’océan. C’est à en attraper le vertige !

 

Après plus d’une semaine de lutte, nous nous extirpons finalement du pot au noir juste avant de passer l’équateur. C’est la première fois que notre petit Louis « passe la ligne » comme on dit, mais notre adorable mousse est trop petit pour que nous lui fassions le traditionnel bizutage. Et puis d’ailleurs, nous passons la ligne de nuit…ce qui fait qu’on ne la voit même pas – sic ! Le passage de l’équateur m’amène toujours à des pensées idiotes de ce genre. « De quelle couleur sera la ligne ? », « Sera-t-elle pleine ou en pointillés ? » ; « Qui la répare une fois qu’on l’a coupée ? ».  Mais surtout, des questions plus techniques, comme par exemple : « Est-ce que si je laissais couler de l’eau dans un évier juste au moment de passer l’équateur, je la verrais subitement changer de sens de rotation alors qu’elle s’évacue dans le fond du dit évier ? ». Malheureusement, ma question reste en suspens, puisque finalement je dormais trop bien pour aller vérifier…et puis l’eau c’est précieux !

 

Nous avons donc fini par trouver les alizés, plus Sud que Sud Est-ce qui nous a valu de nous retrouver au près. Pas très confortable donc, mais un réel soulagement tout de même de pouvoir enfin avancer à la voile sans que les conditions ne changent toutes les deux minutes. On commence à croiser la route de cargos, signe immanquable que la terre approche. Ça me rappelle d’ailleurs que sur les 3 navires croisés pendant la traversée, deux battaient pavillon des Falkland, avouez que c’est une coïncidence pour le moins surprenante !

 

Le retour du vent a aussi signé la reprise de la pêche, et nous avons attrapé deux jolis thons, d’une variété différente de ceux pêchés en Atlantique Nord, et dont nous régalons presque à tous les repas. On en a même pêché suffisamment pour en congeler !

Louis est assez perplexe lorsqu’on remonte les poissons, mais une fois dans l’assiette, il valide amplement les efforts de pêche.

 

Demain, nous devrions donc toucher terre, et découvrir un nouveau lieu. Cabedelo est un petit village de pêcheurs situé à l’embouchure d’une rivière, à mi-chemin entre Recife et Natal. Cela fait plus de dix ans que je ne suis pas venue en bateau au Brésil, et je suis heureuse de me projeter sur cette escale, et les possibles étapes sur notre route vers le Sud.

 

La traversée va donc se terminer. On imagine souvent que c’est la vue de la terre qui suscite le plus d’émotions après des jours et des jours en mer. Pour ma part, ce qui est le plus marquant lors d’un atterrissage, ce sont les odeurs. Selon les lieux, on les discerne parfois même avant d’apercevoir les contours de la côte. Alors ce soir, alors que je m’apprête à passer la dernière nuit en mer de cette transat, je rêve des odeurs que vont m’apporter la terre demain et des délicieuses promesses qu’elles contiendront. Sans doute des notes boisées avec une touche d’épices, le tout sur un délicieux fond de Samba ou de Bossa Nova.


Allez, je vous laisse, le Brésil nous attend !

 

En attendant le prochain carnet de bord, je vous souhaite un excellent week-end !

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